Je suis un no man’s land – Philippe Katerine
Ce n’est pas leur première fois, à Thierry Jousse et Philippe Katerine. Leur première fois sur grand écran. L’un, ancien critique aux Cahiers du cinéma, a fait le plongeon en 2005, réalisant Les invisibles (avec, notamment, son camarade Philippe). Bien, et même plus que cela. L’autre, chanteur pop et dada, a ravi tout le monde avec Peau de cochon, également en 2005, drôle de long métrage en forme d’Objet Filmique Pas Franchement Identifié (avec, notamment, son ami Thierry)…
Les deux complices aiment, chacun à leur façon, agréger des univers a priori incompatibles (fiction ou réalité, drame ou farce, de l’art… ou du cochon, etc.) ? Il était logique qu’on les retrouvât déambuler, en tandem, sur un territoire au minimum déroutant. Et même barré. Sauf que les deuxièmes fois sont souvent plus difficiles : il ne suffit plus d’étonner, il faut désormais convaincre…
Sur place
Le titre de leur opus 2 – Je suis un no man’s land – a le mérite, en tout cas, d’annoncer la couleur. Cette petite odyssée, à la fois champêtre et fantastique, passe son temps à brouiller les pistes, à accumuler les ruptures de tons et de styles, et même à faire du surplace pour tenter d’avancer (mais chut, c’est un ressort scénaristique balèze). Histoire d’être à peu près nulle part ? Hum, mouais… Intrigué, on l’est. Captivé in fine, c’est moins sûr ! Pourtant, c’est peu dire que l’on est baladé en seulement 1h30, de la comédie au western, de la mélancolie au conte de fées, de la.. Soupe aux choux à l’univers de Jacques Demy !
L’intrigue, d’abord, histoire… de bien situer ! Philippe, chanteur – ni tout à fait lui-même, ni tout à fait un autre – pourchassé par une groupie, se retrouve bizarrement dans la ferme désuète de ses vieux parents délaissés, à l’issue d’une course éperdue en pleine campagne et au sortir d’une nuit passée dans un bois. A priori, l’idée de construire une fable sur la fuite et l’enfance, autour de ce personnage lunaire, assez insondable, qu’est Philippe Katerine, était franchement bienvenue. D’autant que le comédien (qui chante très peu, ici) est effectivement magique, voire aérien dans les moments décalés (il est plus maladroit, en revanche, dans le registre de l’émotion, bien que joliment encadré par Aurore Clément et Julie Depardieu).
Le hic, c’est qu’à force de proposer moult et moult entrées, le film passe à côté de son enjeu – l’intime – rattrapé, voire submergé par ses artifices et ses répétitions. Du coup, si l’on sourit, gentiment séduit par sa tendresse et sa modestie en termes de moyens, l’on s’ennuie un peu aussi (dans une veine similaire, les exercices d’un Luc Moullet sont autrement plus poilants). Allez, vivement (quand même) leur troisième fois !
Ariane Allard
Lire aussi sur Artistik Rezo, les films à voir en 2011.
Je suis un no man’s land
Un film de Thierry Jousse
Avec : Philippe Katerine, Julie Depardieu, Aurore Clément, Jackie Berroyer, Judith Chemla, Jean-Michel Portal.
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Sortie le 26 janvier 2011
[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=XuOSwppg8rc[/embedyt]
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