Le barbier de Séville – Théâtre du Châtelet
Quand on pense que Gioacchino Rossini a composé son Barbier de Séville en moins d’un mois… Quel talent ! Populaire, Rossini l’a été en son temps et le demeure encore aujourd’hui. Rien de mieux que ses crescendos, sa verve et son panache pour redonner une pêche d’enfer et le sourire aux lèvres. La mise en scène aujourd’hui présentée au Théâtre du Châtelet est à la sauce spinosienne, du nom du chef d’orchestre.
Place aux jeunes
Dans un plateau « juvénile », on a pu entendre deux Italiens habitués de l’œuvre : Bruno Taddia en Figaro et Tiziano Bracci en Doctor Bartolo. En guise d’exemple, celui-ci a livré un délicieux « A un dottore della mia sorte ». De son côté, le nouveau ténor rossinien qui monte Bogdan Mihai en Conte d’Almaviva a pu exposer ses belles ornementations tout comme Anna Stéphany en Rosina. Seul bémol, Mihai était à la limite de la caricature forçant les traits tandis que Stéphany manquait de présence. N’oublions pas que le rôle de Rosina doit faire face à un plateau quasi-masculin et qu’il n’est jamais aisé pour une chanteuse de s’imposer dans cet opéra. Le chef d’orchestre français Jean-Christophe Spinosi était de nouveau présent dans la fosse, accompagné par son ensemble Matheus. Il est aujourd’hui devenu une figure incontournable du Châtelet. Sa direction est d’ailleurs à son image : enlevée, rapide et énergique. On peut ainsi reconnaître son style baroque lorsqu’il accroche les notes lors de l’ouverture. Il fait aussi preuve d’une ironie de circonstance, bienvenue lors des récitatifs dans lesquels il n’hésite pas à reprendre le début de certains airs ou en faisant écho à quelques notes du Carmen de Bizet.
Le féminisme de Coline Serreau, la Sevillana d’Emilio Sagi
Cela fait plusieurs années que Paris a sa mise en scène du Barbier de Seville conçue par Coline Serreau présentée à l’Opéra de Paris. Celle d’Emilio Sagi vient changer la donne. D’un côté, une vision féministe où la condition de Rosina est mise en avant et exacerbée comme il se doit. De l’autre, une vision de Séville froide et blanche soulignant la vie terne dans laquelle vit la pauvre héroine. Deux visions différentes mais chacune intelligemment mise en place. Point commun entre les deux : la “présence” de Rossini sur scène. Chez Serreau, un tableau-portrait de lui apparaît sur scène lors du final tandis que chez Sagi, son buste est présent dès le levé de rideau. Des sosies du compositeur apparaissent alors sur scène pour installer le décor, dansant au rythme de l’ouverture si célèbre, chef-d’œuvre du genre. Ce même décor symbolisant Séville évolue entre les actes au rythme de la musique et apparaît comme un acteur à part entière.
Mais la magie opère véritablement vers la fin de l’opéra quand la couleur fluo fait son apparition et éblouit les yeux. La danse Sevillana chorégraphiée par Nuria Castejon est un atout majeur de cette production qui atteint son apogée lors du final aux couleurs arc en ciel. Le public est si envouté qu’il le redemande en bis et qu’il l’obtient ! Détail qui devrait être plus souvent de mise lors de représentations ovationnées comme souvent à l’opéra. Dernier constat : même si Rossini est bien représenté chaque année à Paris, ses œuvres méconnues et tout aussi entrainantes devraient d’avantage figurer en haut de l’affiche. L’appel est lancé.
Edouard Brane, avec Marie Torrès
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