Sofia Coppola – Interview
Sofia Coppola s’intéresse aux joies de la célébrité. Entendez à la vacuité des vies de stars. Rencontre, à Paris, avec une cinéaste californienne « hype ». Minimaliste mais talentueuse.
Une Américaine à Paris. Moins l’exubérance usuelle, mais non sans clichés. Toujours très “hype” de vivre en France, de toute façon, quand on a grandi dans la Napa Valley, en Californie ! Surtout lorsque l’on est une icône discrète de la mode internationale, et qu’une forme de romantisme un peu dandy, “so chic”, colle à vos ballerines de trentenaire mélancolique et très privilégiée.
Fille prodigue de Francis Ford Coppola, elle-même cinéaste adoubée par les plus grands dès son premier film – le remarquable Virgin suicides, en 1999 – Sofia Coppola est, incidemment, la compagne de Thomas Mars, le chanteur français du groupe Phoenix. De fait, la fluette brunette n’a pas l’air trop dépaysée lorsqu’elle rencontre la presse dans un palace parisien. En anglais dans le texte, néanmoins : mais est-ce une surprise ? Une chose est sûre : Somewhere, son nouveau long métrage, ne va pas, nécessairement, la rapprocher du grand public, qu’il soit américain ou français… Plus radical que ses opus précédents (dont le jubilatoire Lost in translation), obsédé par l’idée de l’ennui, de la vacuité et de la célébrité, il complète pourtant avec justesse sa filmographie, tout entière dédiée à cette thématique : choisir qui l’on veut être. Une thématique apparemment très personnelle pour la réalisatrice, scénariste et productrice déterminée qu’est Sofia Coppola. Nul doute que ce choix, elle l’a fait. De même que de répondre de façon gentiment détachée aux journalistes. Ni tout à fait ici, ni tout à fait ailleurs : étrangère, à tout point de vue. Optons dès lors, et dans sa foulée, pour une interview… épurée. Quand ? « J’ai pensé à cette histoire, tandis que je vivais encore à Paris, après le tournage de Marie-Antoinette. J’avais le mal du pays, je pensais à L.A. C’est alors que m’est venue l’idée du film, un acteur perdu dans une vie décadente, déconnectée de la réalité ». Quoi ? « Il y a une part de moi dans le personnage de Johnny Marco. Je connais les milieux privilégiés. Si on n’en fait pas partie, on peut penser qu’ils suffisent à faire le bonheur de ceux qui y vivent. Mais ce n’est pas toujours vrai. Dans tout ce que je fais, il y a une touche personnelle. Ainsi le personnage de Cleo, la jeune adolescente et fille de Johnny. Mon enfance a été très différente de la sienne. D’ailleurs, je me suis inspirée de la fille d’une amie. Mais aussi, quand même, de ma propre expérience. En fait, ce n’est pas moi, mais j’y ai mis des souvenirs d’enfance. Comme de grandir avec un père charismatique… » Qui ? « J’ai toujours pensé que Stephen Dorff avait du talent. Je le connais depuis un moment et j’ai eu envie de lui proposer une chose qu’il n’avait pas encore faite. C’est lui qui m’est venu à l’esprit en premier, quand j’écrivais le scénario. On m’a proposé d’autres acteurs après, mais je suis restée sur mon premier choix ». Où ? « Le Château Marmont, c’est le troisième personnage du film. Beaucoup d’acteurs y ont vécu. C’est une sorte de rite de passage. D’après la vie du personnage, de Johnny Marco, il m’a semblé logique qu’il vive dans cet hôtel, qui a toujours eu cette aura un peu décadente. Et puis, ça m’a permis de filmer de vrais employés. Et d’obtenir ce moment sincère et touchant, lorsque l’un des serveurs se met à chanter ». Comment ? « Au départ, mon idée initiale, c’était de raconter une histoire intimiste dans le Los Angeles d’aujourd’hui. J’ai toujours adoré les films cultes sur Los Angeles. Comme Shampoo American gigolo. Mais je n’arrivais pas à trouver un film récent qui donne l’ambiance de la ville aujourd’hui. C’est en commençant à travailler sur le personnage de Johnny Marco que j’ai pensé à cette culture pop contemporaine, fascinée par la célébrité, la téléréalité. Ensuite, pendant le tournage, Harris Savides, le directeur de la photographie, a opté pour un style dépouillé et naturaliste. Je voulais que ce soit le plus naturel possible, en effet, pour montrer la solitude de Johnny… » Pourquoi ? « Pour moi, Somewhere, c’est une histoire universelle. Nous traversons tous, chacun, des moments de notre vie où il nous faut choisir. Il me semble qu’à la fin s’ouvre pour Johnny le début d’un nouveau chapitre de sa vie. Mais je préfère laisser à chaque spectateur le soin de choisir, selon sa propre expérience… » |
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