Toscan : L’homme de Lumière
C’est aujourd’hui le titre d’un courageux documentaire que l’on doit à Isabelle Partiot-Pieri. La voix inimitable de son personnage renaît, tout comme cette allure aristocratique d’homme du XVIIIe siècle accentuée par une chevelure blanche que l’on prendrait aisément pour une perruque. Mais celui qui aurait pu être un homme des lumières, entre Diderot et Casanova, fut en cette fin de XXe siècle l’homme de Lumière… De Louis Lumière… Donc du Cinéma.
L’avenir se lit dans le passé, Toscan est donc né coiffé, puisque sa famille remonte à un chancelier du roi Louis XII. Cette rigueur paraît dans les premiers portraits, notamment celui de son premier mariage avec Marie-Christine Barrault, mais, au fur et à mesure qu’il vieillit, il gagne en aisance, presqu’en beauté. Ses activités se diversifient de la même manière. Et dans le promeneur, suivi de son chien, qui parcourt sa propriété de Gascogne, le personnage prend forme sous nos yeux d’une interview à une autre, recueillie avec amour.
Ce mot amour aurait plu à Toscan, car c’est ce qui a motivé toute sa vie. Le plus charnellement du monde avec son amour des femmes dont les portraits de nus tapissent sa chambre et ses mariages avec des actrices dont certaines lui ont “tout appris”. Le plus humainement du monde dans le second cas : le fait que le cinéma français ait été aussi important que le cinéma américain dans l’ex-Union Soviétique le réjouit, d’où cette réflexion : dans la paix du monde “un film coûte moins cher qu’un armement atomique”.
Film-opéra
Troisième raison d’épeler le mot amour : presque ontologiquement.“La vérité, selon lui, jaillit de l’art”, d’où le fait de ne jamais considérer comme un échec un film qui ne marche pas immédiatement. Tant pis pour l’argent investi par le producteur. “Les grands esprits, d’après lui et surtout d’après Nietzsche, marchent à pas de colombe.”
Mêlé à deux cents films, Toscan est le créateur du film-opéra (si différent de l’opéra filmé) avec le Don Giovanni de Joseph Losey. Il était à l’époque le directeur général de la Gaumont. Son audace lui a valu d’être mis à la porte, mais l’a en quelque sorte libéré. Il touchera tous les genres et travaillera avec les plus grands, d’Igmar Bergman (Fanny et Alexandre dont il ne lira même pas le scénario, naviguant à la confiance) à Fellini, Comencini, Scola, Chabrol, Jacquot et Pialat qui lui rapportera une palme d’or avec Sous le soleil de Satan. Quand on lui parle du bonheur d’être au Festival de Cannes, Toscan répond : “C’est la même joie que celle du lapin le jour de l’ouverture de la chasse…”
Grand mécène, l’ex-mari d’Isabelle Huppert fut aussi éditeur (Ed. Ramsay), membre du conseil d’administration de l’Opéra et parmi mille activités, responsable d’une cinémathèque. Faut-il rappeler qu’il présida la firme de disques Erato. D’où son amour de la musique. “Je me suis souvent demandé si le Pape croyait en Dieu. Moi je n’en suis pas sûr, mais je suis certain que Jean-Sébastien Bach y croyait. Il suffit d’écouter sa musique.” A courir donc voir ce film, en attendant qu’il passe à la télé !
Pierre Bréant
Lire aussi sur Artistik Rezo, l’entretien avec Isabelle Partiot-Pieri.
Toscan
Réalisé par Isabelle Partiot-Pieri
Avec Daniel Toscan du Plantier.
Durée : 01h27min
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Sortie le 1er décembre 2010
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