La passion corsetée au Lucernaire
Mademoiselle de Chartres, jeune et inexpérimentée, rencontre Monsieur de Clèves, qui tombe éperdument amoureux d’elle et lui fait la cour. Quelques temps après leur mariage, la désormais princesse de Clèves s’éprend de Monsieur de Nemours, réputé pour ses talents de séducteur. La princesse s’impose une forte résistance face à cette inclination ; résistance qui engendre un enrichissement de la passion que nourrissait déjà Monsieur de Nemours vis-à-vis d’elle. Quand à l’amour de Monsieur de Clèves pour sa femme, il est inébranlable. Pour autant, aucun de ces trois personnages ne cèdera à la lutte qui les anime.
Madame Bovary avait pourtant cédé. Mais ce que narre Laurence Février, c’est une toute autre histoire, et c’est un engagement pour elle de préférer nous parler de Mademoiselle de Chartres plutôt que d’Anna Karénine. En effet, si Laurence Février met entre parenthèses le théâtre documentaire (Ils habitent la Goutte d’Or, Suzanne), elle ne fait pas moins de cette version choisie de la Princesse de Clèves un théâtre résolument engagé. Passant de l’oralité à l’écrit, elle se donne pour mission de transmettre une langue riche qui vise à approcher ce qu’il y a d’absolu chez les êtres. Le spectateur qui a laissé ses classiques au placard depuis un moment surmontera vite la phase d’adaptation face à ce langage corseté, pour se faire happer par ce texte épique où la passion amoureuse est déclenchée, maitrisée, repoussée jusqu’à l’inéluctable. La musique accompagne et rythme cette narration, plongeant l’assistance dans les tréfonds de la passion humaine, tantôt enivrante, tantôt dangereuse ou terrifiante.
Il y a de surcroît quelque chose de très poétique dans cette mise en scène qui vise avant tout à mettre un texte sur un piédestal, à l’occasion d’un « retour au sublime », valeur, si l’on en croit les dires de Laurence Février, en voie de disparition. Cette dernière n’est jamais à l’écart de son texte, et l’appropriation qu’elle s’en fait aide grandement à stimuler l’imagination ; ce qui fait de ce travail, tout comme le théâtre documentaire, une œuvre face à laquelle le spectateur se doit d’être actif.
Il s’agit donc d’une pièce aux teintes chaudes et intimistes, dans laquelle est retranscrite une langue musicale, précise et poétique, visant résolument à « tirer les individus vers le haut ».
Sophie Thirion.
La Passion Corsetée
De et Avec Laurence Février
Entretien Laurence Février from Passion Corsetée on Vimeo.
Jusqu’au 16 janvier 2011
Du mardi au samedi à 20h
Le dimanche à 15h
Réservations : 01.45.44.57.34
Théâtre Le Lucernaire
53 rue Notre Dame des Champs
75 006 Paris
Métro ligne 12 ; 4 ; 6 stations Notre-Dame des Champs, Vavin ou Saint Placide
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