Dialogues des Carmélites
La question de la grâce est le ferment de cette œuvre musicale qu’on dispose dans les premiers soubresauts de la Révolution française. Quand tout vacille, de nombreuses questions surviennent. Il apparaît que la grâce vient à ceux qui y semblaient le moins destinés. Bernanos, pour qui Dialogues des Carmélites est une œuvre posthume, s’attache particulièrement à ce mot, à ce comportement en ponctuant son œuvre Journal d’un curé de campagne de cette affirmation : “Tout est grâce“.
Savant mélange d’ingrédients, tout consiste d’abord à monter l’œuvre, puis les Dialogues ensuite s’agrègent à l’édifice, l’histoire, le synopsis mu d’un bruit sourd, une sorte de “qu’en dira-t-on” plaçant en frontispice le pouvoir du drame intime de chacune de ces femmes. S’érige ensuite le décor, la métaphore de l’impasse, c’est-à-dire un lieu de transit aux antipodes du toit qui abrite et réfugie comme seul aboutissement.
Attendu que la monstruosité d’une telle œuvre nécessitait qu’on en rappelle le cheminement, il reste, et c’est pour l’heure primordial, de considérer les raisons pour lesquelles Martine Surais Deschamps (professeur de chant au Conservatoire du Centre de Paris) voulait absolument monter avec ses élèves Dialogues des Carmélites ? Tout d’abord, cette œuvre est bien connue de Martine Surais Deschamps pour y avoir joué déjà trois rôles dans des mises en scène différentes, à savoir celui de Blanche, Mère Marie et Madame Lidoine. En plus d’être aujourd’hui à l’initiative de cet opéra, elle y incarnera le rôle de la première prieure (Madame de Croissy).
Elle nous répond le regard tout à la fois rêveur et passionné “qu’un amour particulier pour cet ouvrage est le résultat de cette naissance“. Encore, que ce dernier mot ne soit pas tout à fait approprié, étant donné que l’œuvre fut déjà donnée sous couvert du CNR de Rennes à son initiative. Et de poursuivre : “Cet opéra est constitué de textes robustes et d’envergure que la musique imbrique en symbiose, le seul bémol étant que Poulenc a du réduire le récit pour accomplir sa partition“.
A charge d’innovation, l’acte 3, dernier acte de cet opéra en 12 tableaux, s’ouvre par la lecture en voix off du décret suivant : “28 Octobre 1789. L’Assemblée nationale décrète que l’émission des vœux monastiques sera suspendue dans tous les monastères de l’un et l’autre sexe, et que le présent décret sera porté de suite à la sanction royale et envoyé à tous les tribunaux et à tous les monastères“.
Pour Martine Surais Deschamps, le point fort de la mise en scène, c’est “le personnage de Blanche de La Force interprété par Sarah Aguilar qui est la charnière et qui ne sort presque jamais de scène“. Choisir une église comme lieu d’interprétation semble en adéquation avec le contexte du récit, cependant, que la metteur en scène confie, avec une humilité toute professionnelle, la complexité matérielle d’un mobilier pas toujours en regard esthétique ni dans la conformité aux repères historiques de l’œuvre.
Les mots de Georges Bernanos ouvrent – dans l’attente que les murs de Saint-Roch frémissent au son de la guillotine et de l’émotion d’un Salve Regina chanté par ces condamnées – la perspective d’une heureuse surprise, d’un moment musical unique, l’entendant nous murmurer comme s’il voulait saluer l’honneur qu’on lui rend en cet événement : “Il n’est pas d’incident si négligeable où ne s’inscrit la volonté de Dieu comme toute l’immensité du ciel dans une goutte d’eau“.
Yves-Alexandre Julien
Dialogues des carmélites
Texte de Georges Bernanos , Opéra en trois actes de Francis Poulenc
Accompagnement piano de Stéphane Spira
Mise en scène Martine Surais Deschamps
Direction ensemble vocal Loïc Mignon i Directeur du Choeur Didier Seutin
Classes de Martine Surais Deschamps et Sonia Nigoghossian du Conservatoire du Centre de Paris
Sarah Aguilar Romain Beytout Leïla Bouazza Edouard Bouchy-Lucotte Virgile Deslandes Narimène Djoudi Aurore Dollo Sonia Elalouf Martin Fonteneau Brigitte Laugier Frédéric Laugier Loreline Mione Françoise Muxel Claire Peron Pétronille Remaury Dimitri Repérant Élodie Romand Frédérique Rossignol Ming Mei Su Martine Surais Deschamps Olivia Thomas Margot Woszczalski
Vendredi 5 novembre 2010 à 20h
Entrée libre
Église Saint-Roch
296 rue Saint-Honoré
75001 Paris
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