Chauncay Hare, ingénieur-photographe
Dans les années 60, il s’inscrit dans la lignée des créateurs de documents humanistes américains. L’anonyme, la personne ordinaire est pensée à travers un regard fraternel et empathique.
« J’ai fait ces photographies pour protester contre la domination grandissante exercée par les entreprises multinationales, leurs actionnaires et dirigeants, sur les travailleurs ».
Révolte, donc. Placée en amont d’une sélection de photos, la petite phrase annonce la souffrance, voire une « violence » physique ou psychologique exercée sur l’homme ou la femme au travail. Or, surprise. L’éventail de photos offre au néophyte une autre expression, d’autres impressions.
Avant d’être photographe, Chauncey Hare est ingénieur à la Standard Oil. Il y travaillera 20 ans, peu à peu conscient de sa propre aliénation. En cette fin des années 60, il prend des clichés des employés de la compagnie pétrolière, dans le décor familier de leur domicile. Homme assis dans un fauteuil du salon, femme debout dans la cuisine, famille autour d’un poste de télévision, mère nourrissant son enfant…
Objectivement, ces photos ne renvoient ni tristesse, ni lassitude, ni souffrance. Elles reflètent la vie, tout simplement.
Protestation et révolte
Aux côtés de ce message de vie, elles en disent beaucoup plus sur le regard du photographe. Chauncey Hare choisit soigneusement ses compositions, balise fermement ses cadres. Lorsqu’il capte le regard perdu d’un homme assis près de sa cuisinière, il utilise à fond son empathie avec les ouvriers, pour capter la résignation, la solitude ou le désespoir.
Au cours de sa carrière, il passe lui-même de crises d’angoisse en accès dépressifs. Sur son lieu de travail, il organise des actions subversives, tentant de promouvoir le travail collectif, pour battre en brèche l’implacable hiérarchie.
Ses photos sont des miroirs qui renvoient, à travers une composition picturale sobre et lisse, l’expression de la protestation et de la révolte de l’ingénieur-photographe.
Ses photos sont des symboles à dimension politique. Elles dénoncent, expriment le rejet d’une société de consommation américaine en plein essor, qui domine et lamine l’individu.
L’exposition « Anonymes » n’en présente que quelques-unes – et c’est bien dommage. Elles sont extraites de l’album « Interior America », qui a marqué des générations de photographes.
Sylvie Ramir
Anonymes
Jusqu’au 19 décembre 2010
Du mercredi au samedi 12h-20h / dimanche 12h-19h
Informations : 01 44 70 75 50
Tarifs : 4 euros / réduit : 3 euros
LE BAL
6 Impasse de la Défense
75018 Paris
Métro Place de Clichy
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