La Grande Magie à La Comédie-Française
En invitant Eduardo di Filippo au répertoire de la Comédie-Française, celle-ci présente au public l’œuvre d’un auteur méconnu, et pourtant digne du plus grand intérêt. Disciple de Pirandello, Di Filippo orchestre, avec La Grande Magie, une variation sur le thème de l’illusion qui alterne une fascination pour la magie mêlée d’un comique fin et léger, et une profonde émotion liée à la douleur de la perte. L’illusionnisme devient jeu de torture cruel, alors que le mari (Calogero di Spelta), à qui l’on fait croire que sa femme est enfermée dans une boîte alors qu’elle s’est enfuie avec son amant, veut continuer de croire à l’illusion pour sauver son amour, préserver son couple de la sombre vérité.
Tout commence avec un tour de passe-passe, qui devient, alors que la pièce progresse, construction d’une nouvelle réalité, dans laquelle la femme de Di Spelta est bien enfermée dans la boîte que serre l’homme aux abois contre son cœur. Ouvrir la boîte serait accepter la tromperie, la déception de celle qu’il aime plus que de raison : Denis Podalydès est somptueux dans ce rôle de mari trompé, oscillant entre foi aveugle et doute insidieux. A la fin de la pièce, vêtu d’un pyjama, les cheveux en bataille, le regard hagard, il donne toute la mesure de son talent, portant sur ses épaules le dénouement inattendu – devenant lui-même maître de l’illusion, aux dépens du fourbe magicien.
La mise en scène de Dan Jemmett suit la trajectoire de Di Spelta, faisant d’abord la part belle à l’ensemble, avant de se concentrer sur l’évolution du personnage. Le décor se resserre autour de lui alors que les comédiens, lorsqu’ils n’interviennent pas, sont assis autour de la scène pour mieux témoigner de la déchéance de Di Spelta. Jemmett rend hommage au monde des forains, aussi bien dans l’illusion de la représentation que dans l’intimité de leurs appartements.
A la fois divertissement et réflexion sur les artifices de l’illusion, La Grande Magie offre un rôle émouvant à Denis Podalydès, et révèle une nouvelle fois le talent de metteur en scène de Dan Jemmett. En acceptant de tomber avec eux dans la spirale de l’illusion, le spectateur est amené à remettre en cause la réalité, et se demander si celle-ci n’est pas la simple construction de son esprit. Bien avant les frères Wachowski, Di Filippo propose une interrogation vertigineuse sur la tangibilité du monde qui nous entoure…
Audrey Chaix
enjoy the theatre
La Grande Magie
:Auteur : Eduardo De Filippo
Texte français de: Huguette Hatem
Version scénique de : Huguette Hatem et Dan Jemmett
Metteur en scène : Dan Jemmett
Avec :
Claude Mathieu : Zaira
Michel Favory : Mariano d’Albino, amant de Marta
Cécile Brune : Mme Locascio, Matilde Di Spelta, la mère de Calogero di Spelta et L’Inspecteur
Éric Génovèse : Mariano d’Albino, amant de Marta
Alain Lenglet : Arturo Recchia et Gennarino Fucecchia, serviteur de Calogero Di Spelta (en alternance)
Coraly Zahonero : Marta Di Spelta
Denis Podalydès : Calogero Di Spelta
Jérôme Pouly : Gervasio Penna et Gregorio Di Spelta, frère de Calogero Di Spelta
Marie-Sophie Ferdane : Mme Zampa et Roberto Magliano
Hervé Pierre : Otto Marvuglia, le Magicien
Gilles David : Arturo Recchia et Gennarino Fucecchia, serviteur de Calogero Di Spelta (en alternance)
Suliane Brahim : Amelia Recchia et Rose Intrugli, la sœur de Calogero Di Spelta
Du 19 septembre 2010 au 19 décembre 2010
En matinée à 14h et en soirée à 20h30
Réservations sur le site du théâtre.
La Comédie-Française
Salle Richelieu
Place Colette
75001 Paris
Métros Palais-Royal Musée du Louvre, Pyramides
Articles liés
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...
“Les Imitatueurs” à retrouver au Théâtre des Deux Ânes
Tout le monde en prend pour son grade, à commencer par le couple Macron dans un sketch désormais culte, sans oublier Mélenchon, Le Pen, les médias (Laurent Ruquier & Léa Salamé, CNews…), le cinéma, la chanson française (Goldman, Sanson,...
La danseuse étoile Marie-Agnès Gillot dans “For Gods Only” au Théâtre du Rond Point
Le chorégraphe Olivier Dubois répond une nouvelle fois à l’appel du Sacre. Après l’opus conçu pour Germaine Acogny en 2014, il poursuit, avec For Gods Only, sa collection de Sacre(s) du printemps qu’il confie cette fois-ci à la danseuse...