Tournée – Mathieu Amalric
Ce film s’adresse à tous ceux que la perfection ennuie. A tous ceux, aussi, qui pensent que si “le cinéma c’est la vie” – et même un peu plus – alors il se doit d’être bousculé, fragmenté, débordé. Décoiffant et décoiffé. Traversé de doutes et de désirs, de trahisons et d’explosions, de rires et de regrets : imprévisible et lacunaire. De toute façon.
De fait, Tournée offre à voir une non-maîtrise d’autant plus juste qu’elle s’accorde à son sujet : les chemins de traverse d’une troupe de strip-teaseuses “New Burlesque” dans la province française la plus “neutre” qui soit, cornaquées par un ancien producteur de télé, totalement largué mais bientôt rattrapé par son passé… Ah, pour ça, d’hôtel impersonnel en péage d’autoroute, de coulisse rieuse en show extravagant, puis de corps hors normes en cœurs sans fard, c’est un film foutraque et déambulatoire ! Justement. Car entre deux bouffées de chaleur, d’humour et de rondeur, c’est peu dire que Mathieu Amalric – coauteur, réalisateur et acteur – multiplie les flottements, les vides, les sentiments inexprimés. Comme pour mieux interroger, en contrepoint, à travers des regards et quelques brèves rencontres, la tristesse et la violence d’une société uniformisée.
D’aucuns évoqueront Fellini, pour l’apparence des créatures, mâtiné de Bob Fosse, pour l’élan mortifère qui accompagne leur tournée. Sauf que le soupçon de désespoir qui taraude cette fête ne l’abîme jamais chez Amalric. Beaucoup d’élégance, même maladroite, se dégage de son conte bancal. En cela, il est bien plus qu’original : terriblement attachant. D’ailleurs, ses multi-directions, parfois contradictoires, ont également convaincu les jurés du dernier Festival de Cannes : ils lui ont attribué le prix de la mise en scène. Et l’on confirme : la richesse joueuse de cette Tournée, c’est qu’elle oscille entre ruptures de ton et fluidité, résistance puis abandon.
Le film, au fond, ressemble beaucoup au personnage du producteur (autoportrait fanfaron d’un Amalric qui ne s’aime pas ?). Fasciné par la sensualité non formatée de ces femmes, tandis qu’il lutte, mal dans son corps, mal dans ses choix, contre sa mélancolie et sa nervosité : il sera finalement “adopté” par ces belles de jour comme de nuit… Une paix (et une famille) sans doute provisoire(s), mais on est drôlement content pour eux. Et pour nous, d’avoir pu faire un bout de chemin à leur côtés.
Ariane Allard
Tournée
De Mathieu Amalric
Avec Mimi Le Meaux, Dirty Martini, Kitten on the Keys, Julie Atlas Muz et Mathieu Amalric.
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Sortie en salle le 30 juin 2010
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