La Walkyrie – Opéra Bastille
Le monde de La Walkyrie est une terre ravagée par les guerres entre clans ennemis, comme l’affiche clairement la mise en scène de Günter Krämer dès l’ouverture. On reconnaît la meute de Hunding en treillis, échos des géants de L’Or du Rhin. Ils assassinent et violent sans vergogne, laissant agonisant le fils de Wotan qui trouve refuge chez son ennemi. Le ton est donné. La tragédie peut commencer, mettant en place l’amour incestueux du frère et de la sœur qui donnera naissance à l’homme libre, le seul à pouvoir sauver les dieux : Siegfried.
L’amour est ainsi l’éternel enjeu. C’est pourquoi hormis la chevauchée des walkyries, riante et surprenante, les trois actes multiplient les duos amoureux. Les filles d’Erda à l’instar d’infirmières, lavent les guerriers nus. Les chorégraphies de Otto Pichler créent un imaginaire saisissant et drôle. Les filles s’amusent et badinent tandis que les corps s’enchevêtrent au sol, puis par série de quatre se lèvent pour être lavés et portés au Walhalla.
Le récit expose les âmes mises à nu de manière très lyrique. Incarné par le ténor Robert Dean, Siegmund, après s’être opposé physiquement à la meute de Hunding, brutale, parvient à arracher l’épée sacrée du chêne, secondé de sa sœur. C’est un héros épique, tel Ulysse, le seul parmi les courtisans apte à manier l’arc. La soprano, très pure dans sa robe blanche fleurie au jeu sobre et nuancé, semble revivre comme Pénélope à son retour. Puissance et sensualité émanent de la chanteuse, très émouvante. Le jeu des lumières orangées et le décor composé de pommiers fleuris renchérissent ce nouveau printemps.
Comme il ne peut y avoir d’amour sans douleur, Fricka apparaît, en véritable Junon. Sa robe rouge démesurément grande est à l’image de sa colère et de ses jalousies. Yvonne Naef, impartiale, très droite gouverne un Wotan blessé au cœur, conscient de ses faiblesses. Thomas Johannes Mayer incarne toute l’ardeur guerrière du Dieu et la tendresse lyrique.
Mais en voulant réparer le mal, Wotan engendre un nouveau mal. Sa colère digne des dieux antiques et de Jupiter éclate dans le tableau final du troisième acte, véritable terre calcinée. Le metteur en scène avec ingéniosité recrée ce brasier, se découvrant progressivement lors du lever de rideau noir. Günter Krämer retarde encore ainsi la vision tant attendue, au moyen d’un rideau noir qui s’élève progressivement. Des spot rouges au sol, dégageant une fumée rouge, s’élèvent également, faisant place à un brasier solaire, mémoire peut-être de cette boule d’or de l’Or du Rhin.
Cette mise en scène très plastique a achevé d’enchanter toute la salle.
Marie Torrès
Le cycle de l’Anneau du Nibelung à l’Opéra Bastille :
– L’Or du Rhin
– Siegfried
– Le Crépuscule des dieux
Die Walküre
Première journée en trois actes du festival scènique L’Anneau du Nibelung
Musique de Richard Wagner
Livret du compositeur
En langue allemande
Phillipe Jordan Direction musicale
Günter Krämer Mise en scène
Jürgen Bäckmann Décors
Falk Bauer Costumes
Diego Leetz Lumières
Otto Pichler Mouvements chorégraphiques
Du 31 mai au 29 juin 2010
Tarifs : 180€, 160€, 135€, 110€, 80€, 50€, 30€, 15€, 5€
Opéra Bastille
Place de la Bastille
75012 Paris
M° Bastille
[© Opéra national de Paris/ Charles Duprat]
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