Steve Carell – Interview
Un grand doux. Un gentil compagnon. Un adorable garçon. Voilà à quoi ressemble le « phénoménal » Steve Carell dans la vraie vie ! Enfin, quand on dit dans la vraie vie, entendez dans le luxe surréel d’une des suites d’un palace du Faubourg Saint Honoré, à Paris…
Une débauche d’ors, de tentures et… d’attachés de presse qui s’explique : l’aimable quadragénaire, en promotion pour le film Crazy night de Shawn Levy, est l’un des comiques américains les plus cotés de sa génération. A égalité – question buzz et brio – des Ben Stiller, Will Ferrell, Jack Black et autres décapants frères Owen. Mais en plus discret, plus retenu. Standing oblige, selon les critères US en tout cas, c’est donc dans une chambre royale, tempérée par sa tenue irréprochable, toute de gris argenté, que ce comédien exquis, quelque peu neutralisé par son look de cadre supérieur, reçoit les journalistes. « Je suis très timide au naturel, vous savez. Une nuit de folie, pour ma femme et moi, eh bien c’est rester tranquillement assis sur le canapé à manger des pizzas ! », assure-t-il d’emblée, la mèche bien peignée et l’alliance scotchée à son annulaire gauche. Tellement raccord avec l’anti-héros “so middle class” de sa nouvelle comédie… Pour un peu, son nez si mignon à force d’être si long semblerait encore s’allonger !
Un Américain moyen
Pas star pour deux ronds Steve Carell ? Tout dépend du contexte, en effet. En aucun cas lorsque l’on converse avec lui, un matin paisible de printemps ensoleillé, à deux pas des Champs-Elysées. « Je suis ici, avec Tina Fey, pour représenter le couple normal que nous sommes dans la vraie vie. Non, en fait, nous sommes mariés chacun de notre côté depuis environ quinze ans, avec des enfants, et cette situation personnelle comporte beaucoup de similitudes avec nos personnages », badine-t-il gentiment. Pro, poli, policé. Façon voisin de pavillon, dans une banlieue résidentielle et ouatée de la côte Est ? Hum… En un peu plus riche, quand même, si l’on considère l’audimat exponentiel et flatteur de sa série télé depuis 2005 (The office US). Et beaucoup plus… à l’ouest, si l’on recense les millions de dollars que rapportent, désormais, les films (pas toujours à sa hauteur) dans lesquels il promène sa silhouette hilarante de père de famille décalé. Surtout depuis Bruce tout-puissant, en 2003 avec Jim Carrey, puis le drôlissime 40 ans toujours puceau de son complice Judd Appatow en 2005 – climax de son style ineffable, entre Harold Lloyd et Peter Sellers – puis Little miss Sunshine en 2006, et Max la menace en 2007.
Au bas mot, tout cumulé, plus de neuf millions d’entrées aimantées par son seul nom sur le territoire français : pas mal. De fait, son humour, faussement placide, assez vertigineux de maladresse, de contretemps et de dixième degré, fait merveille sur grand écran. En VF comme en VO ! « Je n’ai jamais pensé que mon humour était typiquement américain. En tout cas que je devais m’interdire certaines choses, considérant que j’avais une audience internationale. Je crois que l’on peut être drôle même sans le son ! Et je ne parle pas seulement d’humour basé sur le corps et la gestuelle… On peut comprendre un personnage, la nature des situations, sans entendre nécessairement les paroles. Moi ça m’arrive tout le temps quand je prends l’avion et que je regarde un film ! », analyse-t-il avec cette distance imperturbable qui donnerait envie, chaque fois, de prendre les mêmes longs courriers que lui. Quelles qu’en soient leurs destinations ! Inutile, pour autant, de lui suggérer l’usage d’un casque, avec traduction simultanée : Steve Carell, comédien au physique presque désuet, et au talent nourri aux sources du cinéma muet, n’a que faire des accessoires de la modernité.
Une star hors normes
C’est peut-être la raison pour laquelle il s’est permis de gravir, à son rythme, les échelons ô combien vacillants du succès. Contrairement aux étoiles, aussi éblouissantes qu’éphémères, qui tapissent la voûte soi disant céleste de son époque, Carell a « fait » star sur le tard. Et c’est peut-être ça, sa plus belle révérence. Son irrésistible élégance. « J’en ai pas mal parlé avec Tina Fey (sa partenaire idéale dans Crazy night) qui, comme moi, a débuté sur les planches du théâtre “The Second city”, à Chicago, un théâtre d’improvisation », acquiesce-t-il sans façon. Une très bonne école, semble-t-il, que cette joyeuse troupe, fameuse outre Atlantique, par laquelle sont passés, incidemment, Bill Murray, Dan Aykroyd ou Mike Myers ! « On jouait huit fois par semaine, et la réponse du public était immédiate ! », sourit-il en guise de genèse explicative à ses prestations mémorables, plus tard, dans l’émission “Saturday Night Live”, sur NBC. « En fait, il me semble que c’est très dangereux d’être connu à 19 ans », poursuit-il l’œil dans le rétro, rebondissant gentiment sur cette carrière à strates… « Moi au départ, mon intention, déjà, c’était d’avoir du boulot ! Et le fait d’avoir toujours travaillé, depuis longtemps, même incognito, ça donne une perspective plus saine sur ce qui compte vraiment. Cela dit, je suis super content ! Jamais je n’aurais imaginé arriver là… », énonce-t-il enfin, d’un ton très quotidien.
Comme pour mieux juguler l’inquiétude qui, malgré tout, échappe à la sage pression de ses très classiques boutons de manchettes, ceux-là même qui miroitent si joliment dans la clarté soignée de sa chambre d’hôtel ? Rien de tel que le cinéma pour décorseter tout ça. D’autant plus qu’alors, dans ce monde-miroir et parallèle, tout est permis. Mieux même : encouragé ! Youpi ! C’est ainsi que le scénario – sympathique et convenu – de “Crazy night” s’est enrichi de moult scènes et dialogues improvisés, au cours du tournage, pour le grand bénéfice du film et de ses spectateurs ! « Ce que j’aime, c’est que l’on ne voit pas la différence, au final, entre les scènes écrites et les scènes improvisées, preuve que le script était vraiment bon ! », remarque, beau joueur décidément, l’adorable Carell. Qui reconnaît, pour le coup, avoir eu de vrais moments de fous rires (enfin !) avec le comédien James Franco, interprétant un trafiquant de drogue en bisbille avec sa copine strip-teaseuse. Tout comme il s’accorde, aussi, quelques frayeurs, par avance, à l’idée de présenter, un jour, bientôt (le 18 août prochain), au public français le remake américain du Dîner de cons (Dinner for schmucks, en anglais) qu’il vient d’achever avec le réalisateur Jay Roach : « Je sais que ce film compte beaucoup pour vous. Donc voilà, on l’a totalement détruit ! ». Terre brûlée sinon tête du même nom. En clair, cet Américain trop tranquille vibre et vit, ouf, en marge des palaces soyeux ! Doux dehors, peut-être ; mais fou dedans, assurément.
Ariane Allard
Crazy night
De Shawn Levy
Avec Steve Carell, Tina Fey.
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Sortie en salle le 12 mai
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