Ensemble, nous allons vivre une très, très grande histoire d’amour…
Souvent, Pascal Thomas (« Les Zozos », « Mercredi folle journée ») nous a enchantés, inventant à sa manière, flâneuse, cinéphile, amusée, un temps personnel dans le cinéma qui pourtant en conjugue de nombreux : celui du passé décalé. Jamais tout à fait hier, jamais tout à fait aujourd’hui non plus, qu’il ressent comme brutal et cupide : cet aimable sexagénaire n’aime rien tant que d’être à contre-courant. L’irrévérence, parfois paillarde, toujours généreuse de ses films, n’étant pas la moindre de ses qualités. Un éloge de la fuite, qui, lorsqu’il est combiné à cette légèreté un rien absurde qu’empruntent parfois les rêves, donne à voir, par exemple, ces deux gourmandises que sont « Mon petit doigt m’a dit » et « Le crime est notre affaire » ! C’est peu dire, alors, que critiques et public se sont lovés éperdument dans ces adaptations savoureuses, folles et rythmées d’Agatha Christie.
Le souci avec « Ensemble nous allons vivre une très, très grande histoire d’amour… », nouvel opus de ce quasi-stakhanoviste de la pellicule (son cinquième long métrage depuis 2005), c’est que de rythme, de folie et de saveur, il n’y en a quasiment point… Du coup, le passé recomposé de cet hommage – ironique et tendre – au roman photo des années 50/60 semble tout bêtement vieillot. Et tandis que le cinéaste et ses complices entendent, au pire, nous faire sourire des mésaventures burlesques de leurs personnages, l’on reste souvent de marbre.
Décalés/Recalés
Attention, nulle méprise : ne suinte de ce chromo appuyé, revendiqué même, aucune nostalgie rance (du genre « c’était mieux avant »). Non : adaptant avec gourmandise une histoire ancienne du trio Age-Scarpelli-Risi, maître d’œuvre de l’âge d’or de la comédie italienne, Pascal Thomas et ses co-scénaristes fidèles (François Caviglioli, Clémence de Biéville) semblent essentiellement s’amuser, tels de vieux garnements érudits et farceurs, qui convoqueraient tous les stéréotypes du genre, à savoir le jeune premier, la jeune première, le poids du hasard dans leurs destinées, la passion, les serments, les malentendus, les départs, les retrouvailles, etc.
Jusque là, tout va bien. Le souci, c’est qu’entre fougue littérale et ironie distanciée, cette fable faussement innocente peine à trouver son ton. D’autant qu’elle s’appuie, forcément – codes du genre obligent – sur une trame narrative extrêmement ténue : c’est dire qu’en dépit de ses nombreux rebondissements, l’histoire est peu variée, prévisible, voire désuète (le mariage empêché par le père bougon, ou la fiancée répudiée parce qu’elle aurait fauté, autrefois, avec un bellâtre). De fait l’on s’ennuie assez vite, en dépit d’une galerie de personnages secondaires, un peu plus « verts », voire théâtraux : ainsi Guillaume Gallienne, excellent dans le rôle du mari sourd-muet, qui tire l’ensemble vers Feydeau, avec une pointe du Harpo des Marx Brothers.
Il est possible en outre que le casting du couple « vedette », pourtant audacieux a priori, empêche, lui aussi, d’adhérer à cette gentille pochade. Pascal Thomas a l’air fasciné par Julien Doré, révélation décalée, en effet, de « La nouvelle star », le fameux télécrochet de M6. Le fait est que ses débuts d’acteur, de même que sa pointe d’accent nîmois ou ses grands yeux bleus, auraient pu ajouter à la candeur de son personnage. Le hic, c’est que le jeune chanteur compose, avec Marina Hands, un couple peu convaincant, physiquement tout du moins. Lui tout en pâleur, frêle adolescence et fragilité un peu mièvre ; elle, jolie femme accomplie, solaire et sensuelle : cherchez l’erreur. Ajoutez à cette maladresse une hétérogénéité parfois gênante dans la nature de leur jeu (elle vient de la scène classique de la Comédie française, lui de la scène rock mâtinée de surréalisme, façon Marcel Duchamp revisité par Philippe Katerine), et vous saisirez pourquoi, in fine, le « passé décalé » de Pascal Thomas, cette fois-ci, est plus qu’imparfait…
Ariane Allard
Ensemble, nous allons vivre une très, très grande histoire d’amour…
De Pascal Thomas
Avec Marina Hands, Julien Doré, Guillaume Gallienne.
Sortie le 7 avril 2010
Articles liés
« Les Misérables », une nouvelle production brillante au Théâtre du Châtelet
Plus de quarante ans après la première création en français, l’opéra d’Alain Boublil et de Claude-Michel Schönberg revient au Théâtre du Châtelet dans une nouvelle version et une mise en scène de Ladislas Chollat. Quarante interprètes dont des enfants...
“Moins que rien” : l’histoire de Johann Christian Woyzeck adaptée au Théâtre 14
L’histoire est inspirée de l’affaire de Johann Christian Woyzeck (1780-1824) à Leipzig, ancien soldat, accusé d’avoir poignardé par jalousie sa maîtresse, Johanna Christiane Woost, le 21 juin 1821. Condamné à mort, il a été exécuté le 27 août 1824....
La Scala présente “Les Parallèles”
Un soir, dans une ville sans nom, Elle et Lui se croisent sur le pas d’une porte. Elle est piquante et sexy. Lui est hypersensible et timide. Il se pourrait bien que ce soit une rencontre… Mais rien n’est moins sûr, tant ces deux-là sont maladroits dans leurs...