Woyzeck d’après Woyzeck – Théâtre de la Bastille
Woyzeck est un jeune soldat, à la bonté des gens simples. Il aime Marie, la femme qui partage sa couche sans qu’il l’ait jamais épousée, faute de moyens, et l’enfant qu’elle garde pendant qu’il va gagner sa solde. Cette simplicité béate est lentement prise à parti et peu à peu démolie par les regards croisés d’une société où la pauvreté spirituelle ou financière est une tare, voire un affront.
Ce rythme infernal qui mène la pièce de la passion au crime, Morin le décompose et le recompose autour de moments de théâtre. Si les trouvailles sont parfois profuses et donc confuses, ainsi l’image de l’enfant de Marie qui devient un morceau de papier dont l’iconicité n’est pas évidente, elles sont le reste du temps très justes et fructueuses. La troupe repousse les limites de la scène, inclut le spectateur au spectacle, dérange volontairement par des sons trop violents ou des mouvements trop erratiques.
Woyzeck vit l’ensemble de la pièce sur un rythme de course effrénée vers le couteau planté au milieu de la scène, qu’il ne fait que contourner avant de s’en saisir. Dans le même temps, les joyeux lurons du village célèbrent un heureux sabbat alors que Woyzeck assassine et s’assassine. Tous ces personnages forcent le public à sortir de ses repères habituels et à abandonner le confort apaisant du siège capitonné pour être propulsé au sein du mécanisme tragique.
Mise en scène étonnante, parfois déroutante, le travail de Morin est finalement une réussite, qui rend justice à une pièce difficile et plurivoque. S’ouvrant sur un grincement de violon pour se finir sur un silence qui annonce le coup de fusil, mêlant des références religieuses à des éléments aussi contemporains qu’un écran, Woyzeck d’après Woyzeck est une relecture éminemment proche d’une pièce qui garde encore aujourd’hui tout son sens.
Anna Winterstein
Woyzeck d’après Woyzeck
D’après Woyzeck de Georg Büchner
Mise en scène par Gwenaël Morin
Avec Grégoire Monsaingeon, Barbara Jung, Renaud Béchet, Virginie Colemyn, Julian Eggerickx et Michel Coquet
Jusqu’au 2 avril 2010
Tous les jours à 21h, dimanche à 17h. Relâche les 4, 8, 15, 22 et 28 mars
Durée 1h40
Théâtre de la Bastille
76, rue de la Roquette
75011 Paris
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...