Lignes de Front – Jean-Christophe Klotz
Une traversée de l’horreur dans laquelle Antoine perd ses illusions sur son métier de journaliste et se demande jusqu’à quel point il peut filmer et exposer la tragédie humaine au reste du monde.
Jean Christophe Klotz, documentariste, signe ici son premier long-métrage en reprenant le thème de son documentaire « Kigali, des images contre un massacre », œuvres qu’il dit ne pas concevoir l’une sans l’autre. Une mise en abyme du documentaire à l’intérieur de la fiction et, surtout, une histoire, celle d’Antoine, reporter solitaire qui se retrouve au Rwanda pendant le génocide. Il va découvrir l’ampleur de la mission qui est la sienne, la difficulté à la mettre en œuvre, et surtout le sentiment d’impuissance, lors de son retour en France, à aviver l’opinion publique sur un tel massacre.
L’expérience personnelle de reporter plane sans arrêt sur le film qui parvient à disséquer par la narration les étapes intimes d’un métier si particulier, commandant de se trouver sans cesse entre deux monde, l’un déchiré par l’horreur, l’autre anesthésié par l’indifférence et le trop-plein d’informations. JC Klotz parvient ici avec des qualités telles que la sincérité, l’expérience et la simplicité à exprimer la complexité et les impasses d’une société prétendument mondialisée.
Mieux raviver l’indignation
Par la fiction, il parvient aussi, nonobstant des aspects un peu maladroits, à pousser un personnage au bout de sa dimension dramatique. L’authenticité des anecdotes finit par aboutir à ce qui pourrait être un fantasme, ou un mauvais rêve du reporter : lequel se retrouve dans une scène élevée et un peu mystique entre bourreau et victime, impliqué, la machette à la main, confronté au choix suprême : frapper, ou perdre la vie.
Des choix intéressants de réalisation côtoient une certaine maladresse que l’on peut aisément mettre sur le compte de la jeunesse de l’expérience de la fiction chez le réalisateur. Des scènes d’émotion dans lesquelles la justesse et la puissance d’interprétation font défaut, un rythme pas toujours bien maîtrisé, et des dénouements parfois un peu gros. Mais le message est libéré avec une force de sincérité touchante, dans ce film résolument intellectuel, qui réfléchit sur les images plus qu’il ne les montre.
On a donc l’impression de se retrouver devant une fiction-documentaire, tour à tour descriptive et narrative, tournée vers un même objectif : mettre en exergue l’impuissance pour mieux raviver l’indignation, et peut-être l’espoir.
Sophie Thirion.
Lignes de Front
Un film de Jean-Christophe Klotz
Avec Jalil Lespert, Cyril Guei, Jean-François Stevenin, Eriq Ebouaney
Prix du Jury du Festival de Valenciennes
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Sortie le 31 mars 2010
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