Jorge Molder au Centre culturel Calouste Gulbenkian
C’est une pépite qui est proposée ici. Cet artiste portugais, trop peu vu en France, est à lui seul une réconciliation avec l’art par la force de son travail. Soyons francs, les expositions actuelles sont, pour beaucoup, sources de déception. Frilosité due à la crise, paresse intellectuelle, manque de moyens, les importants lieux d’art se complaisent actuellement dans le réchauffé, le bobo chico/creux et prétentieux et pensent sans doute pouvoir se reposer sur les lauriers de leur prestige acquis.
Philosophe de formation, Jorge Molder, né en 1947, développe depuis les années 1970 un travail photographique entre rêve et méta-réalité. Il interroge ainsi les tréfonds de la mémoire et de la construction identitaire à travers des mises en scènes bénéficiant d’un large éventail de références cinématographiques, littéraires, picturales et philosophiques.
L’interprétation des rêves est une référence explicite à Sigmund Freud. L’artiste s’amuse à qualifier le psychanalyste de romancier, pour insister sur la valeur narrative qu’il défend dans son travail, mais à condition de mieux la déconstruire. C’est, en effet, une dimension critique qu’installent ses photographies. Ses autoportraits qui composent une partie importante de son travail mettent en avant son visage et ses mains, parties du corps les plus expressives et signifiantes, lieux de communication et d’identification. Il projette son corps dans ses images, mais sans complaisance, comme s’il cherchait à transcender sa propre identité pour pointer du doigt l’inquiétante étrangeté des éléments du quotidien qu’il photographie avec un sens évident du détail. Freud est toujours là et nous rappelle cette sensation de déséquilibre que nous éprouvons tous régulièrement devant les faits les plus communs comme s’ils nous échappaient.
Profond, inquiétant, poétique, le travail de Jorge Molder fait preuve d’une grande finesse psychologique et d’une évidente force plastique. Son sens d’une narration suggérée mais toujours frustrée réveille la mémoire sensible du spectateur confronté à ses souvenirs personnels mais aussi artistiques.
Lorraine Alexandre
© Le petit monde, détail, série de 24 épreuves, 2000, 35 x 35 cm, Collection CAM – Fondation Calouste Gulbenkian.
L’interprétation des rêves, photographies de Jorge Molder
Jusqu’au 9 avril 2010
Du lundi au vendredi de 9h00 à 17h30
Renseignements : 01 53 23 93 93
Entrée libre
Centre culturel Calouste Gulbenkian
51, avenue d’Iéna
75016 Paris
Métro Etoile, Kléber ou Iéna
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