Dysmopolis – La loge
Un jour, lors d’une discussion entre amis, j’ai croisé le regard d’un jeune homme au visage défiguré. Je devais lui parler, mais j’étais dans l’incapacité de soutenir son regard. Malgré tous mes efforts, une terreur irrationnelle, enfantine, m’empêchait de lever les yeux et de dissimuler mon trouble. La violence de cette vision était telle que j’en étais réduit à la pire grossièreté.
Si pour moi une telle expérience était inédite, lui, c’est plusieurs fois par jour qu’il suscitait un tel séisme. Ce trouble me faisait honte : le monde m’avait éduqué pour être réfractaire à cette vision.
Cette image me hante encore, et j’ai voulu m’y confronter dans un spectacle autour de la beauté et du monstrueux. J’ai voulu travailler sur cette foule d’anonymes dont le seul handicap est d’écorcher la belle neutralité du visible. Pour eux, la chirurgie est souvent la plus grande source d’espérances.
Dysmopolis expose un monde hanté par la chirurgie plastique. Ce qui m’intéresse dans la chirurgie plastique, ce ne sont pas ses possibilités techniques et ses procédures, mais c’est le sésame qu’elle représente. Tantôt chirurgie réparatrice, qui redonne une apparence à des gens qui en sont privés ; tantôt chirurgie esthétique, qui nourrit des rêves d’impossible jouvence. Dans tous les cas, elle est un prisme à travers lequel notre rapport aux apparences se donne à voir dans toutes ses contrariétés.
Un sujet si complexe appelle un traitement pluriel : Notre spectacle est un spectacle choral, chaque personnage y incarne un certain rapport à la chirurgie plastique.
Pour que le spectacle soit véritablement choral, qu’il soit un entrelacs et non une pure juxtaposition de vignettes, nous portons une attention aiguë à l’art du montage. Nous explorons les différents moyens narratifs du théâtre mais aussi et surtout de la bande dessinée et du cinéma. Du fondu au noir au fondu enchaîné, en passant par le split screen, la légende et le phylactère, nous explorons tout ce qui peut bousculer les manières de raconter une histoire sur le plateau. Comme au cinéma et dans les comic books, le texte n’est pas pensé seul mais en rapport avec une proposition visuelle, qui peut l’expliciter ou au contraire le rendre plus énigmatique. Ici, pas de textocentrisme, mais une volonté farouche d’explorer les différentes interactions possibles entre le texte, le travail plastique, le son et la lumière.
Dysmopolis
Spectacle écrit et mis en scène par Laurent Bazin
Avec :
Audrey Bonnefoy
Ava Hervier
Célia Kirche
Céline Toutain
Chiara Collet : assistante à la mise en scène
Bérengère Naulot : scénographie
Alicya Karsenty : création sonore
Sissi Guoi : lumière
Yragael Gervais : création vidéo
Faustine-Léa Violleau : maquillages
Gabriel Quillacq : création graphique
Svend Andersen : photographies (en collaboration avec Laurent Bazin)
Nicolas Beguet-Guerrero : musique (en collaboration avec Laurent Bazin)
Manon Choserot : création accessoires et masques
Agnès Courtay : administration
Du 2 au 25 mars 2010
les mardis, mercredis et jeudis à 21h
Tarifs: 14 € tarif plein, 10 € tarif réduit (étudiants, chômeurs, etc.)
La loge
77, rue de Charonne
75011 Paris
01 40 09 70 40
Métro Charonne / Bastille / Ledru-Rollin
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