Sainte Russie – Musée du Louvre
On a beaucoup entendu parler du caractère exceptionnel de cette exposition qui ne rassemble pas moins de quatre cents œuvres, la plupart d’entre elles n’ayant jamais auparavant quitté le territoire russe. Leur grand nombre n’a d’égal que leur diversité. Le regard navigue entre icônes, maquettes, psautiers, fragments de chapiteaux, tentures, statues, bijoux, coffrets, qui se déclinent dans tous les matériaux de la Création. Or, argent et pierres précieuses sont au premier rang devant la soie, le bois, la pierre, la terre cuite, le bronze.
Cette profusion de trésors est accompagnée d’un riche texte qui replace chaque œuvre importante dans son contexte historique. On peut citer parmi les moments phares de cette déambulation merveilleuse la magnifique Vierge de tendresse de Vladimir, copie du XIVe siècle de l’œuvre originale du XIIe siècle conservée à la Galerie Tretiakiov de Moscou. On ne peut oublier les Portes d’or de la Cathédrale de Souzdal qui exposent, telles une immense iconostase de bronze, des scènes de la vie du christ selon la technique romane du vernis brun.
Enfin, on reste aveuglé devant les oklads, revêtements orfévrés des icônes, le plus impressionnant étant celui du XVIIe siècle réalisé pour l’église de la Trinité-Saint-Georges à Moscou. Il fallait bien tant d’œuvres pour répondre à un sujet si vaste circonscrit par des jalons historiques si larges. Mais ce désir d’exhaustivité apporte au monumental ce qu’il enlève à la pertinence.
Evénement politique
Le sujet même de l’exposition est à redéfinir. En contrepoint d’une histoire de l’art saint, c’est l’histoire de la formation d’un pouvoir russe qui nous est contée. L’exposition interroge les relations entre l’art et le pouvoir, qui semblent inextricablement liés dès les débuts. En témoigne l’icône des deux premiers saints russes Boris et Gleb, qui sont par ailleurs les deux fils du souverain Vladimir, présenté comme un nouveau Constantin. La référence à Constantin n’est pas anodine, elle replace ce nouvel art chrétien dans la lignée du premier art byzantin, qui était une vaste propagande. La splendeur des œuvres n’a ainsi de cesse de rappeler celle du souverain.
Prolongeons le parallèle en affirmant que la splendeur de l’exposition tente de redorer le blason du pouvoir russe actuel. Ainsi s’explique l’ampleur du projet qui frôle la prétention. La multiplication des œuvres privilégie la vision de l’exposition comme une totalité et n’encourage pas le regard individuel des œuvres. L’exposition tend à perdre son caractère édifiant pour se réduire à un pur événement de lumière. Et à un événement politique.
Une exposition ambitieuse qui prône le superlatif au lieu de s’attacher aux œuvres elles-mêmes, pourtant d’une grande richesse.
Viviane Saglier
Sainte Russie – Musée du Louvre
Du 5 mars au 24 mai 2010
Tous les jours sauf le mardi et 1er mai
Nocturnes jusqu’à 22h le mercredi et le vendredi
Musée du Louvre
Métro Palais Royal – Musée du Louvre
[Visuel : © Musée d’Etat Vladimir Souzdal]
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