Théâtre du Rond-Point – La Menzogna
Dans La Menzogna, vous parlez de mensonge, mais le point de départ c’est cet accident intervenu dans l’usine ThyssenKrupp de Turin…
Pippo Delbono : Oui, cet accident qui a fait sept morts parmi les ouvriers de l’usine a été très médiatisé en Italie. On a vu tout le monde, des images des parents, des familles qui pleuraient étaient diffusées en boucle à la télévision. Or c’était déjà un mensonge. Du pathétique pris en sandwich entre deux publicités. Nous n’étions pas confrontés à la douleur mais au pathétique transformé pour produire de l’émotion à bon marché, pour faire pleurer dans les chaumières. Ce n’était pas une façon juste ni honnête de parler de cet événement. C’est même un mensonge énorme qui déforme la réalité. Or cette notion de mensonge est partout présente aujourd’hui en Italie. Dans notre pays, tout fonctionne avec de petits arrangements, c’est la règle. Du coup, on accepte tout. Et c’est ça qui est choquant. Parce que nous sommes dans un pays raciste où l’on s’attaque notamment aux gitans et que, politiquement, notre système est pourri.
Vous affrontez cette question du mensonge en partant de Kafka. Pourquoi ?
P. D. : Quand on m’a proposé de travailler à partir de cette affaire de Turin, j’ai essayé de comprendre ce qui s’était passé, les tenants et les aboutissants et là je me suis retrouvé confronté à une réalité kafkaïenne. Cette histoire devenait tellement compliquée avec toutes ses ramifications que cela me faisait penser à une pieuvre. Donc j’ai compris qu’on avait affaire à un monde kafkaïen et je suis donc parti de son roman Le Château parce que cela entrait parfaitement en résonance avec cette histoire. En Italie, nous avons une moyenne très élevée d’accidents du travail. Mais toutes ces affaires sont étouffées. En fait il n’y a aucune citation de Kafka dans le spectacle, mais cela m’a aidé à comprendre cette situation schizophrénique de l’Italie où l’on pratique un double ou triple discours.
Le spectacle en s’interrogeant sur le mensonge pose la question de la représentation en général. Comment peut-on parler d’un événement tragique dans les médias sans tomber justement dans le spectaculaire, dans le racoleur ? Mais aussi comment peut-on parler de tels événements dans un spectacle ?
P. P. : Quand on me parle de ces ouvriers morts, c’est une tragédie bien sûr. En même temps je dois avoir l’honnêteté de reconnaître que je ne peux pas éprouver de douleur pour des personnes si éloignées de moi. Je peux seulement éprouver de la pitié. Je pense que nous avons besoin de nous responsabiliser pour ne pas accepter sans réagir ce qui se passe aujourd’hui. C’est pour ça que, dans le spectacle, je parle à la première personne. Parce qu’on part de son histoire personnelle pour parler du monde. Et puis le théâtre aussi est un mensonge. Donc j’essaie de changer la relation dans la salle entre celui qui regarde et celui qui est vu. Je prends des photos de la salle par exemple. Le théâtre c’est aussi une situation où le spectateur est assis bien au chaud dans son fauteuil. Il y a une certaine passivité. Alors on s’efforce de suggérer avec des images qui peuvent parfois choquer, avec la musique aussi. Il n’y a pas beaucoup de texte afin de laisser des ouvertures. Je demande aux gens de faire des efforts pour tâcher d’être plus lucides. Il n’y a pas longtemps en Italie un jeune homme a été tué à coups de barres de fer pour avoir volé des biscuits dans une épicerie de village. J’ai assisté à son enterrement ; nous étions 150 personnes à être là pas des milliers et surtout pas de politiques. J’ai filmé la scène avec mon téléphone portable. Après dans le journal, ils ont écrit que le père du jeune homme tué a remercié l’Italie pour son soutien. Mais c’est faux, il a seulement remercié les 150 personnes qui étaient présentes à l’enterrement !
La Menzogna
Pippo Delbono
Idée et mise en scène : Pippo Delbono
avec Dolly Albertin, Gianluca Ballaré, Raffaella Banchelli, Bobò, Julia Morawietz, Pippo Delbono, Lucia della Ferrera, Ilaria Distante, Claudio Gasparotto, Gustavo Giacosa, Simone Goggiano, Mario Intruglio, Nelson Lariccia, Gianni Parenti, Mr. Puma, Pepe Robledo, Antonella de Sarno, Grazia Spinella
scénographie : Claude Santerre
lumières : Robert John Restinghini
costumes : Antonella Cannarozzi
organisation : Christian Leblanc et Emilia Romagna Teatro
Du 20 janvier au 6 février à 20h30
dimanche à 15h – relâche les lundis et le 24 janvier
réservations au 01 44 95 98 21, au 0 892 701 603 et sur www.theatredurondpoint.fr
plein tarif salle Renaud-Barrault 33 euros
tarifs réduits : groupe (8 personnes minimum) 20 euros / plus de 60 ans 24 euros
demandeurs d’emploi 16 euros / moins de 30 ans 14 euros / carte imagine R 10 euros
Théâtre du Rond-Point – salle Jean Tardieu (176 places)
2 bis avenue Franklin D-Roosevelt
75008 Paris
Tél : 44 95 98 21
Métro Franklin D. Roosevelt (ligne 1 et 9) ou Champs-Élysées Clémenceau (ligne 1 et 13)
Tournée
14 au 16 janvier 2010 La Criée, Théâtre National de Marseille / Le Merlan, Scène nationale à Marseille
9 et 10 février 2010 Scène Nationale de Bayonne et du Sud Aquitain
13 février 2010 Théâtre Sortie Ouest – Béziers
Du 2 au 14 mars 2010 Teatro di Catania (Sicile)
31 mars, 1er et 2 avril 2010 Théâtre de la Place – Liège
7 et 8 avril 2010 La Comédie de Caen, Centre Dramatique National de Normandie
Du 4 au 7 mai 2010 Théâtre National de Toulouse, Centre Dramatique National de Midi-Pyrénées
12 et 13 mai 2010 Centre Culturel de Belem, Lisbonne
Du 26 au 29 mai 2010 Théâtre National de Bretagne, Rennes
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