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On purge bébé, Léonie est en avance – Théâtre du Palais Royal

4 février 2010
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On purge bebe - Leonie est en avance - Theatre du Palais Royal

On purge bebe - Leonie est en avance - Theatre du Palais Royal::

 

La représentation commence avec On purge bébé. Branle-bas de combat chez les Follavoine, Monsieur reçoit un représentant du Ministre des Armées pour conclure l’affaire du siècle : fournir l’armée en pots de chambre. Malheureusement pour lui, ce même matin, Toto, son fils, est constipé : il faut le purger. Mais l’enfant refuse catégoriquement, et cette situation comique mène le couple au bord de la crise de nerfs…


Comme souvent chez Feydeau, le drame domestique part d’une situation anodine, et le comique dissimule des malaises bien plus profonds. Au travers de la dispute entre les époux Follavoine, c’est le pouvoir de l’un et de l’autre qui est remis en cause. L’homme disparaît peu à peu au sein de son couple, son autorité n’a plus aucune prise face à l’illogisme triomphant de sa femme. L’affaire n’est flatteuse ni pour l’un ni pour l’autre : lui perd toute virilité, et elle passe pour une hystérique irrationnelle. Bien pessimiste que le constat de Feydeau sur la nature humaine et les rapports amoureux.


Les mêmes thèmes réapparaissent dans Léonie est en avance : un jeune couple attend son premier enfant, l’accouchement s’annonce avec un mois d’avance. Alors qu’une sage-femme truculente, Madame Virtuel, s’installe au domicile conjugal pour délivrer la jeune mère, les langues se délient et les remarques désobligeantes fusent envers le futur père, avant le dénouement final…


Ici encore, l’homme du ménage est dépouillé de son autorité, spolié de sa position de chef de famille. Malmené par sa femme, la sage-femme, ses beaux-parents et même la petite bonne, il finit avec un pot de chambre sur la tête, toute fierté disparue. De ces situations naissent le comique, mais pour qui lit derrière les rires, ce rire tourne vite jaune.


Pour servir ces petits chef-d’oeuvres de réflexion sociale, Bourdet s’est entouré de Cristiana Reali, de Pierre Cassignard et de Dominique Pinon. Dans les deux pièces, Reali est méconnaissable et accomplit une véritable performance d’artiste. Dans On purge bébé, elle joue l’hystérique et y met tout son coeur : maquillée à outrance, des bigoudis plantés dans une tignasse rousse, les jambes à l’air, elle houspille son mari comme une harpie et se laisse manipuler par son fils avec la naïveté d’une mère poule. Et s’empêtre parfois dans le rythme endiablé qu’elle s’impose – elle a hésité plusieurs fois le soir où nous l’avons vu.


Face à cette hystérie parfois trop poussée et somme toute, un peu éprouvante pour les oreilles du spectateur, Pierre Cassignard inspire la bienveillance du spectateur. Dépassé par les scènes de son ménage, il tente tant bien que mal de régler ses affaires avec le représentant du Ministre des Armées, interprété par Dominique Pinon. Les deux hommes sont très bons, chacun à leur façon : Cassignard joue le mari un peu nigaud avec délice, tandis que Dominique Pinon nous régale de tics et de grimaces en tous genres.


Les deux hommes ont des rôles assez semblables dans Léonie est en avance – c’est Cristiana Reali qui change du tout au tout dans le rôle de Madame Virtuel. Les dents habillées d’une prothèse dentaire, du rembourrage pour renforcer son arrière-train et sa poitrine, les cheveux relevés en deux petits chignons, elle se coule dans le rôle de la vieille fille ridicule avec un plaisir évident, et zézaie avec joie en moquant le futur papa désemparé face aux rites de l’accouchement.


Autour de cette compagnie qui prend un plaisir visible à jouer ces deux pièces, le décor joue la carte du kitsch, ce qui forme un étrange contraste avec les costumes : en monochrome noir et blanc, les robes des femmes et les accessoires des hommes sont imprimés de motifs géométriques dignes de l’Art Déco, qui donnent une touche résolument moderne à cette production.


Les amoureux de Feydeau se réjouiront de cette mise en scène enjouée et dynamique, qui rend justice à l’esprit de vaudeville dont le dramaturge est l’un des emblèmes. Les autres découvriront avec plaisir cet auteur plein de ressources et de surprises, qui explore les arcanes de la société française avec bien plus de sagesse que la légèreté de ses pièces ne le suggère.


Audrey Chaix



On purge bébé – Léonie est en avance
Texte de Feydeau
Mise en scène de Gildas Bourdet
Avec Cristiana Reali, Dominique Pinon, Pierre Cassignard…

 

 


Jusqu’au 31 mars 2010

En tournée à partir de janvier 2011
Durée : 2h10
Tarifs : de 17 à 52€
Réservations au 01 42 97 40 00 ou sur www.theatrepalaisroyal.com


Théâtre du Palais-Royal
38 rue de Montpensier
75001 Paris
Métro Madeleine, Palais-Royal (ligne 1, 7, 14)


www.theatrepalaisroyal.com

 

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