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Colonnes de Buren – réouverture

22 janvier 2010
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Janvier 2010

Les colonnes de Buren de nouveau accessibles au public. L’oeuvre phare de Daniel Buren, « Les Deux Plateaux », a été entièrement restaurée et se prépare à renouer son dialogue – interrompu pendant un an – avec les colonnades du Palais-Royal, à Paris.

On  s’était habitué depuis quelques mois, en passant par là, à jeter un coup d’oeil sur le chantier et son évolution. Mais la palissade – conçue par l’artiste lui-même et percée d’ouvertures colorées – va bientôt disparaître… En échange de quoi nous sera restituée, après restauration, une oeuvre majeure de Daniel Buren, qui est aussi une des plus importantes inscriptions de l’art contemporain dans une ville : « Les Deux Plateaux ».

Commandée en 1985 par Jack Lang, alors ministre de la Culture, pour occuper la place d’un parking, l’oeuvre est à la fois monumentale et complexe. Occupant les 3 000 m2 de la cour d’honneur du Palais-Royal, à Paris, elle est constituée d’un maillage de 260 colonnes de marbre blanc zébré de noir, de tailles différentes, et composée en deux plans : un niveau cour sur lequel on peut librement se promener et un niveau sous-sol, dans lequel l’eau ruisselle en permanence.

Les importants travaux de restauration qui viennent de s’achever nous restituent cette oeuvre importante telle qu’elle avait été conçue par l’artiste. L’eau qui ne coulait plus en sous-sol coule à nouveau et « Les Deux Plateaux », subtilement éclairés par de petites lampes vertes et rouges, ont retrouvé, de nuit, toute leur beauté et tout leur mystère.

Entretien avec Daniel Buren : « Les Deux Plateaux est un travail considéré à l’étranger comme l’un des meilleurs exemples d’intégration dans un site historique »

Quelle place « Les Deux Plateaux » occupent-ils dans l’ensemble de votre œuvre ?

« Les Deux Plateaux » est la première commande publique que j’aie faite. Elle a donc été le départ d’une nouvelle façon de travailler que je ne connaissais pas et que je n’avais jamais expérimentée auparavant. J’ai réalisé depuis, à travers le monde, à peu près cent cinquante oeuvres permanentes. Je voudrais ajouter que ce type de travail implique, à de très rares exceptions près, une compétition : un concours. Cela veut dire qu’à chaque pièce publique érigée, correspond une compétition gagnée. Cela veut dire également que d’autres projets (beaucoup), qui ont demandé tout autant de travail et autant d’attention que les cent cinquante visibles, n’ont pas été retenus et ne verront donc jamais le jour. Le tout premier de ces concours gagnés et dont le travail a été réalisé, « Les Deux Plateaux », restera donc à double titre, pour moi, un événement fondateur.

Plus de 20 ans après sa création, pensez- vous que l’appréhension de cette oeuvre restaurée sera différente ?

Difficile de répondre à cette question. Je ne peux certainement pas savoir ni dire ce que les gens vont penser de cette pièce rénovée, car je ne peux ni parler ni penser pour d’autres. Ce qu’il est possible de dire néanmoins, parce que totalement objectif, c’est que beaucoup, parmi ceux qui connaissent ce travail depuis une dizaine d’années seulement, vont être surpris qu’il renferme la seconde plus grande fontaine de Paris et qu’il possède également un éclairage, c’est-à-dire un jeu coloré avec la lumière, qu’ils n’ont jamais vu et même, pour certains, jamais imaginé, puisque ces deux éléments avaient disparus.

Quant au reste, ce qu’on appelle généralement les colonnes, objets qui donnent l’aspect visuel immédiat le plus prégnant de l’oeuvre en question et qui furent même à l’origine du nom populaire qui lui a été donné : les « colonnes de Buren », les gens les retrouveront comme ils les avaient quittées. Contrairement à d’autres aspects de l’oeuvre, ces polygones dénommés « colonnes » depuis 1986, date de leur mise en place, et malgré des dizaines de millions de visiteurs et des milliers de « skate boards » associés, n’ont jamais été endommagés.

Les détériorations qu’a subies l’oeuvre vous semblent-t-elles symptomatiques d’un problème plus général : celui de l’entretien des créations contemporaines in situ ?

Malheureusement oui et pas seulement les oeuvres in situ, qui restent une infime minorité. L’entretien des oeuvres contemporaines, toutes tendances confondues, est le problème majeur des oeuvres publiques. Non pas qu’elles soient plus fragiles que d’autres plus anciennes, mais parce qu’il n’est pas encore venu à l’esprit de la plupart de ceux, hommes politiques pour la plupart, qui en ont la charge, d’en prendre soin.

Prendre soin de ces oeuvres faisant partie de leurs devoirs et prérogatives, ce que certains ne savent même pas. Pour peu que l’oeuvre, ne leur plaise pas, ou ait été voulue par un prédécesseur qu’ils ont battu aux élections et dont ils veulent voir disparaître tout ce qui peut rester attaché à son souvenir, elle est souvent la première victime de leurs antinomies politiques, quand elle n’est pas tout simplement le reflet de leur ignorance vis-à-vis de ce type de travaux… et le manque d’entretien est alors le reflet de leur aversion pour les oeuvres en question. Le résultat, c’est le délabrement inexorable de l’oeuvre, tout comme une tuile qui s’envole d’un toit, si elle n’est pas remise en place rapidement, devient un trou béant, qui, après avoir laissé passer la pluie, puis le gel, atteint la maison dans ses fondations mêmes jusqu’à sa destruction complète.

L’entretien normal et approprié à chaque oeuvre fait partie des obligations de ceux qui en ont la charge qu’ils s’agisse d’un village, d’une ville, d’une région ou de l’État. C’est cette obligation, je pense, qui n’est pas encore entrée dans les moeurs. C’est aussi cet aspect qui doit être pris en charge par les autorités, les jurys et autres commanditaires au moment où ils choisissent une oeuvre, afin que le coût de la maintenance soit bien intégré dans celui de l’oeuvre et que l’on sache a priori combien celle-ci va coûter aux habitants chaque année.

On sait fort bien qu’une fontaine va demander plus de soins qu’une pierre érigée, bien qu’aucune des deux ne puissent s’en passer totalement, contrairement à ce que certains peuvent penser. Une sculpture en acier ou en granit, sans aucun autre élément plus fragile (éclairage, eau ou autre) peut être entièrement souillée si on laisse par exemple s’y développer des milliers de graffitis. S’ils ne sont pas ôtés, à chaque fois qu’ils apparaissent, on peut prédire à une telle oeuvre une fin rapide.

Dans mon cas, un entretien régulier aurait non seulement été plus économique mais aurait évité une remise en état complète d’un travail qui s’est dégradé jusqu’à un point de non retour. Je suis extrêmement heureux du travail qui a finalement été entrepris et qui permet aujourd’hui au public de reprendre possession d’une oeuvre dont je n’ai plus de raisons d’avoir honte. Mais il est évident qu’une maintenance régulière aurait évité un tel effort d’un seul coup. J’ose espérer, à tout le moins, que cette leçon sera comprise, qu’on ne laissera rien se dégrader dans cette cour d’honneur à l’avenir et que la maintenance sera correctement faite. Si ce n’est par rapport au respect de l’oeuvre elle-même, que cela soit fait au moins vis-à-vis de l’effort financier que nous payons tous et qui vient d’être fait.

Vous êtes un artiste français reconnu internationalement. « Les Deux Plateaux » ont-ils joué un rôle dans cette reconnaissance internationale ?

Par rapport à l’étranger, d’autres oeuvres comme celle qui m’a valu le Lion d’Or à la Biennale de Venise en 1986, eurent certainement plus d’impact. Cependant, « Les Deux Plateaux » est un travail très souvent considéré à l’étranger comme l’un des meilleurs exemples d’intégration d’une oeuvre d’aujourd’hui dans un environnement historique.

Propos recueillis par Jacques Bordet pour le magazine Culture Communication.

A retrouver sur le site du magazine.

Des « Deux Plateaux » aux « Colonnes de Buren »

C’est en 1965 que Daniel Buren découvre « l’outil visuel » qui va lui permettre de déployer, au fil des années, une oeuvre d’une étonnante créativité.

De quoi s’agit-il ? De bandes verticales alternées, blanches et colorées, de 8,7 cm de largeur, qui vont désormais constituer en quelque sorte sa marque de fabrique et que Buren va répéter à l’infini et sur des supports variés. Le choix de ce motif fabriqué industriellement répond au désir d’objectivité qui caractérise l’artiste et lui permet d’accentuer le caractère impersonnel de son travail.

Comme ses camarades du groupe BMTP (Daniel Buren, Olivier Mosset, Niele Toroni et Michel Parmentier), il ne souhaite pas faire de la peinture de sensibilité, de la peinture qui raconte des histoires… « Si c’est ça, la peinture, déclarent à cette époque les jeunes artistes, alors nous ne sommes pas peintres… ».

Commandée par Jack Lang, confirmée par François Léotard, la création en 1986 des « Deux Plateaux » au Palais-Royal – l’artiste est alors âgé de 48 ans – a incontestablement marqué dans sa carrière une étape importante. Le projet, dès qu’il a été connu, a suscité une mobilisation multiple : journalistique, politique, judiciaire et enfin citoyenne (tracts, pétitions et contre-pétitions), tandis que, dans le même temps, les palissades du chantier se couvraient de graffitis le plus souvent critiques sinon franchement hostiles. 

Étudiés par la sociologue Nathalie Heinich (« Les colonnes de Buren au Palais-Royal : ethnographie d’une affaire », in L’Art contemporain exposé aux rejets, Pluriel, 2009), ces graffitis faisaient référence, par ordre d’importance décroissante, au respect de la pureté patrimoniale, à l’absence de beauté, puis au non-respect de l’intérêt général et des procédures démocratiques.

Commencé en novembre 2008, le chantier a permis de remettre à neuf l’œuvre de Daniel Buren « Les Deux Plateaux » qui comprend les colonnes, la fontaine et les éclairages.

Quelques semaines après l’ouverture du site au public, la polémique – en dépit des proportions considérables qu’elle avait atteintes – s’éteint brusquement. Et, en très peu de temps, l’oeuvre s’impose comme l’un des monuments parisiens les plus visités. Les touristes se font photographier debout ou assis sur les colonnes… et les enfants jouent à saute-mouton ou à cache-cache.

Jacques Bordet pour le magazine Culture Communication.

A retrouver sur le site du magazine

Colonnes de Buren – réouverture

Janvier 2010

Jardins du Palais-Royal, Paris 1er

[Visuels : © Didier Plowy]
 

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