A Love Supreme – John Coltrane
La pièce s’ouvre sur le morceau Crescent, qui nous plonge immédiatement dans cette fin des années 60, au fond d’une boîte de jazz dont le propriétaire va nous narrer la rencontre qui a changé sa vie avec JC, le messie de la « black music ». Love supreme d’Emmanuel Dongala fait partie du recueil de nouvelles Jazz et vin de palme qui connut un immense succès en Afrique francophone et qui est encore aujourd’hui intégré aux programmes de nombreux lycées.
Nous sommes en 1967, notre hôte vient d’apprendre la mort de son idole. A la description du choc de sa compagne Nancy, nous comprenons l’importance du lien entre les deux hommes. La longue introduction en musique fait écho aux mots du comédien, Adama Adepoju, lorsqu’il évoque les heures difficiles où John Coltrane avait du mal à trouver son public à cause de ses trop longs préambules et conclusions… Le saxophoniste prend alors un peu de recul et après une longue pause, revient là où le succès l’attendait. De la même façon, le second morceau joué lors de cette représentation reçoit notre enthousiasme. Les musiciens parviennent à « faire entendre à l’auditoire l’amour du monde, l’amour suprême ».
A Love Supreme © Nelly Santos
Quelques notes d’absolu
Le succès est au rendez-vous, mais JC reste fidèle à ses amis. S’il devient le porte-drapeau de la lutte des noirs américains pour leurs droits civiques, il n’appartient pas pour autant officiellement au Black Panther Party. Il accepte néanmoins que son message d’amour, apolitique à l’origine, puisse aider à une forme de justice. Il devient ainsi « le Malcom X du Jazz ». Lorsqu’un peuple est sourd au discours, il ne peut fermer les oreilles à la pureté d’un chant sacré, à un hallelujah : « la sincérité n’est pas conseillée à qui veut devenir riche ou puissant, alors il reste l’Art ».
La mise en scène de Luc Clémentin propose une alternance entre le récit et la musique. Le patron de boîte accoudé à son zync s’adresse à ses clients confortablement installés à des petites tables de bistrot tandis que les standards du jazz viennent ponctuer ses mots. Il faut saluer la performance des trois musiciens Sébastien Jarousse (saxophone ténor), Mauro Gargano (contrebasse) et Olivier Robin (batterie) qui jouent dans une parfaite écoute les uns des autres. Encore une fois, esthète ou novice, l’auditoire appréciera la juste reprise des fabuleux morceaux de John Coltrane notamment Alabama, composé en réaction à l’assassinat de deux petites filles noires dans une explosion : « 2 minutes 20 de colère dominée » et bien entendu Love Supreme.
Remercions chacun des interprètes pour ce joli moment qui célèbre le triomphe de l’artiste sur le politique en nous offrant ces quelques notes d’absolu.
Angélique Lagarde
A Love Supreme
In Memoriam John Coltrane
D’après la nouvelle d’Emmanuel Dongala
Mise en scène de Luc Clémentin
Avec le comédien Adama Adepoju, Sébastien Jarousse (saxophone ténor), Mauro Gargano (contrebasse) et Olivier Robin (batterie)
En bonus un extrait de Love Supreme par John Coltrane :
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Jusqu’au 24 janvier
Du jeudi au samedi à 20h30, dimanche à 18h.
Réservations : 01 40 05 01 50 ou legrandparquet@legrandparquet.net
Le Grand Parquet
20 bis rue du Département
75018 Paris
Métro La Chapelle ou Marx Dormoy – RER Gare du Nord
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