Christian Boltanski – Monumenta 2010
Du 13 janvier au 21 février 2010
Après le succès des deux premières éditions de Monumenta confiées à Anselm Kiefer, en 2007, puis au sculpteur américain Richard Serra, en 2008, qui attirèrent chacune plus de 140’000 visiteurs en cinq semaines, c’est Christian Boltanski, l’un des plus grands artistes français, qui relève le défi en 2010.
Les mots de Fréréric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication :
« A la suite d’Anselm Kiefer et de Richard Serra, le grand artiste français Christian Boltanski est invité à venir magnifier la nef du Grand Palais. Il a répondu à ce défi par une œuvre singulière et forte, qui figure, à son tour, une inquiète et fascinante interrogation. Dans cette installation aussi somptueuse qu’éphémère, l’identité des ‘personnes’ humaines semble se perdre dans l’indifférenciation de la mort, dans le néant de ‘personne’.
À travers l’expérience troublante qu’il offre au public, Christian Boltanski semble s’adresser, sans nul pathos, à chacun de nous : ce monument est aussi un memento mori, une « vanité » contemporaine destinée, selon la volonté de l’artiste, à être littéralement recyclée après l’exposition, à se détruire, à se résoudre, pour adopter d’autres visages, se manifester sous d’autres avatars, dans ce jeu perpétuel du « je » et de personne. La nef du Grand Palais devient une nef des fous, la scène fantasmagorique d’une danse macabre, dont les battements de cœur qui retentissent sourdement sont l’image sonore. Cette pulsation, qui rythme le temps selon ses plus subtiles inflexions, orchestre un opéra architectural, obscur et lumineux. Je salue cette œuvre remarquable, qui vient transfigurer l’espace du Grand Palais et hanter notre imaginaire, et je lui souhaite toute la réussite que mérite son exceptionnelle profondeur. »
Dans les coulisses de la production (Images : Marc Sanchez, © Centre national des arts plastiques, 2009)
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Christian Boltanski : « L’art consiste à poser des questions sans avoir de réponse. »
L’œuvre que Christian Boltanski a conçue pour Monumenta nous propose une réflexion sur l’inéluctabilité de la mort et sur le hasard qui préside au destin de chacun. La mise en scène de ce coup de dés qui fait que l’un sera choisi avant l’autre, sans raison humainement justifiable, se manifeste dans cette installation par une métaphore puissante. N’est-ce pas le Jugement dernier, ce thème classique de l’histoire de l’art qui a donné lieu aux spéculations imagées les plus fortes, qui se trouve ici revisité et transposé dans le temps présent ? Avec un questionnement qu’il laisse sans réponse, sans espoir autre que la conscience positive de la communauté des vivants et des morts, Boltanski inscrit sa création dans la lignée des grands poètes de l’interrogation du mal. Dante, Baudelaire, Lautréamont, Artaud, Genet, Faulkner, tous ont puisé dans la matière incarnée de l’horreur la puissance de questionnement du vivant et de l’homme. Cette nouvelle œuvre de Boltanski, adressée à tous, fondée sur l’expérience commune, nourrie d’une mémoire ancestrale, déploie autour du visiteur un espace poétique conjuguant présent, passé et futur dans le vertige d’un art qui côtoie le néant.
Christian Boltanski, l’un des artistes de notre pays les plus en vue au plan international, poursuit depuis près d’un demi-siècle une œuvre très personnelle, où le travail de mémoire se mêle à une recherche sur les mythologies individuelles. Avec Personnes, l’œuvre qu’il a conçue pour le Grand Palais, il franchit une nouvelle étape dans l’échelle de ses propositions. Catherine Grenier, commissaire de l’exposition, l’a interrogé sur ses choix et motivations.
« Pour un artiste, le plus important est de savoir en quel lieu il se trouve, tout espace étant particulier et posant des problèmes bien spécifiques. L’architecture et l’espace du Grand Palais imposent leurs formes et leurs présences à l’artiste qui réalise une sorte de collage. C’est le contraire du white cube, qui se plie à la volonté de l’artiste, et c’est précisément ce genre de lieu qui m’intéresse. »
Le Grand Palais, une scène de spectacles
« Le fait de se situer au milieu de Paris, dans un espace très baroque imprégné d’une forte présence, de s’adresser à un public extrêmement large, oriente naturellement les choix et les décisions artistiques. Le Grand Palais est pour moi un lieu de spectacle. En tant que tel, il inspire et appelle la fabrication d’une grande mise en scène qui dépasse totalement l’idée d’œuvre muséale et, plus encore, le fait de créer une œuvre dans une galerie. Quand je travaille au Grand Palais, j’ai la sensation de réaliser un opéra, avec cette différence que l’architecture remplace la musique. L’œuvre est une scénographie. »
Personnes, une expérience intime
« Ce qui m’intéresse principalement aujourd’hui c’est que le spectateur ne soit plus placé devant une œuvre, mais qu’il pénètre à l’intérieur de l’œuvre. Contrairement à une exposition classique dans un musée, où l’art défile sous notre regard, le Grand Palais est un lieu propice à une expérience qui immerge le spectateur, puisque tout l’espace fait partie de l’œuvre. Le son, le climat, la manière de déambuler, y compris la gêne suscitée à certains endroits de passage, les matériaux utilisés, tous ces éléments sont constitutifs d’un projet artistique qui est une œuvre globale. »
Un espace d’immersion
« Depuis longtemps déjà, je cherche à réaliser des installations à la frontière entre les arts plastiques, au sens traditionnel du terme, et des œuvres théâtrales ou musicales. Ce qui manque habituellement aux arts plastiques c’est l’idée de déroulement, de progression depuis un point de départ, une entrée, vers une certaine finalité. J’ai voulu un déroulement du temps différent de celui de l’espace muséal où l’on passe simplement d’un tableau à l’autre, puis d’une salle à une autre. Avec l’œuvre que j’ai réalisée au Grand Palais, on est à l’intérieur d’un monde. Plutôt qu’objet de contemplation, cette installation forme un espace d’immersion. Cette œuvre est à l’image des cercles de l’enfer de Dante, elle environne totalement la progression du spectateur et le marque d’un sentiment profond. Même les réactions des spectateurs, ses peurs ou ses colères, sont partie intégrante du déroulement de l’œuvre. »
Un retournement de la tragédie vers la vie
« Le fait d’avoir froid, d’être angoissé et bouleversé, de chercher la sortie, de vouloir retrouver la vie à tout prix est une expérience originale, procurée par le cœur vivant de l’œuvre. Mes installations sont souvent propices à de pareils retournements. Après avoir progressé au travers de lieux de plus en plus sombres, de plus en plus tristes, on retrouve soudain un espace de vie et de mouvements joyeux. C’est un retournement de la tragédie vers la vie. C’est aussi le cas dans mon projet au Grand Palais. Cette installation est conçue pour produire un puissant sentiment d’oppression. Il s’agit d’une expérience dure et je suis convaincu que les gens éprouveront un soulagement en sortant. C’est la beauté de l’architecture et l’immensité de l’espace du Grand Palais, cette étendue vague et abandonnée, qui m’ont permis de proposer cette expérience directe. Dans ce cadre, le jugement sur l’œuvre, le fait qu’on l’aime ou pas, n’est plus pertinent ; il ne s’agit que d’éprouver et d’être imprégné. »
Un art très classique
« Qu’est-ce que j’aimerais dire à un visiteur peu familier d’art contemporain et qui entre dans le Grand Palais pour découvrir Personnes ? C’est facile, je ne m’adresse pas aux spécialistes de l’art contemporain. Mon art est extrêmement traditionnel et très classique. Les questionnements en art restent toujours profondément les mêmes. Ceux que j’aborde ici sont le hasard, la loi de Dieu, la mort. Le fait aussi qu’à partir d’un certain âge on a le sentiment de traverser en permanence un champ de mines, on voit les autres mourir autour de soi, alors que, sans raison, on reste, jusqu’au moment où on sautera à son tour. Tel est le sujet de Personnes. »
Éprouver et ressentir
« Je pense que chacun peut ressentir ce genre d’émotions sans qu’il soit nécessaire de connaître quoi que ce soit à l’art contemporain. Je dis toujours pour m’amuser que si, ayant visité l’une de mes expositions, le visiteur déclare « voilà un très bon artiste post-conceptuel », c’est qu’il s’agit forcément d’une exposition ratée. Il faut, au contraire, que le visiteur arrive, qu’il avoue ne rien comprendre à ce qu’il voit et à ce qu’il ressent, et se mette à pleurer ou à rire sous le coup de l’émotion. Le sentiment artistique dépasse la lecture du cartel. »
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Exposition et célébration
« Je me rappelle l’histoire de l’exposition que j’avais faite à Saint-Jacques de Compostelle. Le musée ne m’avait pas plu et l’on m’avait alors confié une église, dans laquelle j’avais réalisé une grande rétrospective. La veille de l’ouverture, une vieille dame arrive et me demande ce qui se passe dans cette église. Je lui dis que nous préparons une festivité en l’honneur des morts. Elle a trouvé l’exposition magnifique ! Si je lui avais dit qu’il s’agissait d’une exposition d’art contemporain, elle aurait trouvé cela honteux de réaliser cette exposition dans une église. Tandis qu’ainsi, elle a vraiment compris qu’il s’agissait d’une célébration des morts. Il faut voir la chose telle qu’elle est. Personnellement, je pense qu’il n’y a pas de progrès en art. J’ignore ce que recouvre le vocable d’art moderne. L’art consiste uniquement à poser des questions, à donner des émotions, sans avoir de réponse. »
Propos recueillis par Catherine Grenier (juillet 2009)
Christian Boltanski en 7 dates :
- 1944 : Naît à Paris
- 1968 : Réalise Recherche et présentation de tout ce qui reste de mon enfance, 1944-1950.
- 1972 : Participe à la Documenta 6 de Kassel qui lance sa carrière internationale
- 1988 : Le vêtement devient un matériau clé de son œuvre
- 1998 : Présente Dernières années au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
- 2005 : Débute ses Archives du cœur, collecte d’enregistrements de battements de cœur à travers le monde
- 2010 : « Vend sa vie » en viager à un collectionneur tasmanien.
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Tables-rondes, rencontres, musique, cinéma… la programmation culturelle de Monumenta 2010 Christian Boltanski
Conçue pour créer des liens avec des territoires qui permettent de saisir la richesse et la diversité de l’œuvre de Christian Boltanski, la programmation culturelle de Monumenta est organisée en cycles hebdomadaires. Chaque vendredi et samedi, des rencontres sont proposées afin de mettre en perspective les enjeux d’une œuvre qui interroge l’individu, ses émotions et son histoire. Pour Voir et Entendre, Dialoguer, Partager…
Voir et entendre…
Un concert dans le Grand Palais est proposé pour entrer en résonance avec l’œuvre de Christian Boltanski. Une soirée consacrée au cinéma d’artistes des années 1970 présente des films d’Alain Fleischer et de Christian Boltanski.
Dialoguer…
Des tables-rondes, des rencontres, des dialogues réunissent de nombreuses personnalités à partir de quelques uns des grands thèmes qui parcourent l’œuvre de Christian Boltanski. Ses projets utopiques, son rapport à la fiction, à la réalité ou au tragique, permettent de nouer le dialogue et de mieux comprendre l’univers de l’artiste.
Partager…
Des cartes blanches, proposées à diverses personnalités, offrent une approche engagée et singulière de l’œuvre de l’artiste, en résonance avec les grands courants de l’art, de l’histoire ou l’univers d’autres créateurs. La programmation culturelle est accessible avec le billet d’entrée du jour. Tout le détail sur le site web de l’exposition : www.monumenta.com
A lire sur Artistik Rezo :
– la critique de l’exposition Boltanski pour Monumenta 2010
Monumenta 2010 – Christian Boltanski
Du 13 janvier au 21 février 2010
Tous les jours sauf le mardi, de 10 h à 19 h, le lundi et le mercredi, de 10 h à 22 h, du jeudi au dimanche.
Tarifs : 4 €, réduit : 2 €
Nef du Grand Palais
Avenue Winston Churchill
75008 Paris
M° Franklin Roosevelt ou Champs-élysées Clemenceau
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