Une maison de poupée – Théâtre National de la Colline
Une maison de poupée
L’histoire se déroule dans une maison de poupée aux surfaces polies d’un blanc éclatant, à la porte démesurément grande et abritant un monde-jouet. Nora, maîtresse de maison, affiche un large sourire devant sa tâche consistant à contribuer au bonheur de ses proches et à susciter leur admiration. Un charme naturel et résolument enfantin se dégage de ce personnage spontané, plein de joie et d’ardeur, à la fois gentiment manipulateur pour passer ses petits caprices, et égoïste pour raconter son bonheur à plus malheureux qu’elle. Une femme dans toute sa splendeur, ou plutôt l’idéal masculin de ce que devait être une femme à l’époque d’Ibsen : belle, obéissante, joyeuse, un aimable divertissement prenant en main de futiles tâches telles que celles relatives à la tenue d’une maison.
Les thèmes l’action et de l’individualisme à travers le personnage de Nora
Une maison de poupée qui va se briser et que Nora va quitter. Elle se rendra compte que son mari ne s’est pas pris au jeu de cet idéal : d’être la femme dont il rêvait, gentille, belle et futile. Or, le jour où cette réciprocité tant attendue se réalisera contre ses attentes, Nora se retrouvera plongée dans un vide abyssal concernant le sens de sa vie et sera contrainte d’orienter autrement sa trajectoire.
Ainsi Nora n’est pas qu’une femme, mais un individu dans toute sa force, individu qui se place résolument à l’écart de la société qu’elle n’utilise qu’afin de mettre en valeur la réussite de son mari. Individu unique car elle fonde ses idéaux et son éthique dans son amour héroïque pour sa moitié, au-delà des lois, comme elle le laisse entendre dès le début de la pièce. Elle attend donc patiemment que ce « miracle » advienne, où elle révèlera sa bravoure à Helmer avec une tendre lucidité.
L’exploitation d’un féminisme textuel désuet
Braunschweig parvient à exploiter ici le féminisme désuet du texte qui pourtant est initialement le leitmotiv de l’œuvre. Tout au plus sert-il ici à instaurer une dimension comique à la pièce, due à la grossièreté que l’on peut percevoir dans le point de vue que Helmer peut avoir sur le mariage et la vie de famille : si l’on rit c’est que c’est par trop caricatural. Le texte est donc recadré à travers la mise en scène et réajusté à travers des préoccupations contemporaines, pour retrouver l’actualité, voire l’intemporalité, de l’œuvre d’Ibsen.
Une gravité progressive vers la libération de Nora
La progression de la pièce s’oriente résolument de la légèreté enfantine à la gravité que caractérisera la maturité de Nora. Les murs blancs de la petite maison vont s’assombrir peu à peu, et Nora apparaît, au climax de la pièce, en robe noire. Elle exécute la tarentelle et exprime la folie qui s’empare d’elle dans cette danse de mort dans laquelle elle envisage réellement le suicide comme échappatoire.
Troublante est également la scène où le docteur Rank rend sa dernière visite à Nora. Ce personnage empreint de cynisme face à la vie sait sa dernière heure venue et fait discrètement ses adieux à son amie.
Elle découvre finalement à travers l’agissement de Helmer un monde dominé par l’argent et l’ambition sociale et dans lequel sa fraicheur, son innocence et sa vitalité ne peuvent s’épanouir. Elle décide alors de continuer sa route seule afin de découvrir une vérité qu’elle n’aurait pu accéder depuis son propre foyer.
Une pièce qui parvient habilement à contourner les aspects désuets d’un texte pour accéder à une profondeur théâtrale remarquablement bien interprétée.
Sophie Thirion.
Une maison de poupée
de Henrik Ibsen
mise en scène et scénographie Stéphane Braunschweig
Jusqu’au 16 janvier 2010
Avec Chloé Réjon, Eric Caruso, Benedicte Cerutti, Thierry Paret, Philippe Girard, Annie Mercier
Une maison de poupée
mardi à 19h30, jeudi à 20h30, samedi à 20h30 et dimanche à 19h
La Colline – théâtre national
15, rue Malte Brun, Paris 20e
métro Gambetta (ligne 3)
Réservations : 01 44 62 52 52 / reservations@colline.fr
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