0 Shares 1980 Views

Fortunio, ou l’ hymne à un amour sincère et pur à l’Opéra Comique ! Un joyau redécouvert !

12 décembre 2009
1980 Vues
12-05Fo476

 

Denis Podalydès signe une très belle mise en scène de Fortunio, une comédie lyrique dont la  dernière mise en scène date de 1947, très applaudie à la première. Le spectacle a enthousiasmé toute la salle Favart. La musique d’André Messager, très belle et très théâtrale, avec de très grands moments d’intensité est l’expression même des sentiments et du drame qui se joue dans le coeur de Fortunio, interprétée magnifiquement par les musiciens de l’orchestre de Paris.

Le livret, très fidèle à l’esprit du Chandelier d’Alfred de Musset, nous dévoile tous les tourments dont le jeune poète romantique a soufferts. Délaissé par George Sand, malmené par cette femme extraordinaire, il a croqué dans ses comédies et proverbes, des portraits de Coquettes inoubliables. Une coquette apprend l’amour au contact d’une âme pure et noble : tel est le propos de Fortunio. Paradoxalement, Jacqueline devient coquette au contact de Fortunio car elle met à l’épreuve l’amour du jeune homme, prêt à mourir pour elle.

 

Jacqueline semble tomber dans les filets de Clavaroche, parce qu’elle n’a pas connu l’Amour, mariée à un homme trois fois plus âgé qu’elle considère comme son père. Jean-Marie Frémeau interprète Maître André avec une sympathie et une bienveillance qui le rendent très attachant. Il chante avec allégresse et nous enchante par sa bonhomie. Il est très drôle.
12-05Fo473Or celui qui corrompt sa jeune épouse en lui demandant de trouver un  “chandelier”, c’est cet “homme aux épaulettes”. Saluons la formidable interprétation de Jean-Sébastien Bou en Clavaroche, l’amant séducteur averti est suffisant à souhait. Il assume parfaitement la fatuité du personnage et ravit sa maîtresse et le public. Applaudissons la très jolie scène de vaudeville lorsque, caché dans le tiroir de l’armoire, l’amant apparaît sous les linges et qu’il disparaît pour batifoler avec Jacqueline dans ce même tiroir. On  aperçoit que les jambes de Jacqueline qui s’adonne au plaisir frivole de l’amour. Denis Podalydès fait de Clavaroche un personnage très arrogant dans le premier acte mais aussi très drôle. Quand Clavaroche choisit parmi les femmes présentes sa future conquête, c ‘est l’occasion d’admirer les costumes de Christian Lacroix éblouissants : les  superbes chapeaux et les robes de la Belle Époque font rêver et dessinent une taille de guêpe.
Les magnifiques décors et les costumes d’Éric Ruf nous transportent dans une petite ville de province au XIXème siècle, sobres et en demi-teintes, sublimés par le jeu subtil des lumières. C’est là que le stratagème se met en place.

Le choix de Fortunio  en “chandelier” est  formidable. On est habitué à  voir un jeune 12-05Fo662homme frêle et craintif. Or c’est une force de la nature, il est immense et solide comme un bûcheron mais farouche et tourmenté par  l’amour. C’est un superbe géant au coeur noble, pur et tendre, dont la parole est verbe. Les amants usent de métaphores, ils prétendent  se nourrir d’amour mais lui c’est pour de vrai. Dans la violence de son amour, il s’évanouit réellement quand Jacqueline lui avoue qu’elle l’aime. Beaucoup d’émotions naissent de ce contraste. Ô Puissance de l’amour qui ébranle les coeurs et fait renaître celui de Jacqueline qui retrouve ainsi toute sa virginité au contact de Fortunio ! Son interprétation est superbe, sa voix est déchirante, puissante et douce. Dans ses bras, la jeune et gracile Jacqueline est une colombe, dans sa chemise de nuit blanche.

 

Jacqueline est belle et désirable. La chanteuse soprano Virginie Poschon le lui rend bien. Elle  dévoile son coeur et la sincérité de ses sentiments avec grâce dans de superbes envolées. Elle sait aussi bien jouer les Coquettes que les femmes aimantes. Elle nous fait partager ses émois et le sentiment de l’amour qui naît en elle. On apprécie l’esprit et l’humour de la mise en scène et on retrouve tout ce qui caractérise Musset. Des gavroches, clercs drôles et espiègles, des femmes qui aiment les militaires, un Landry qui connaît bien les femmes et qui apprécie le vin. Saluons l’ interprétation drôle et fine du Québécois. C’est le double de Fortunio, qui n’a pas eu la chance de rencontrer sa Jacqueline comme Octave, double de Célio des Caprices de Marianne, au bon moment.

Tout l’esprit de Musset est là !

Marie Torrès

 

 

FORTUNIO
Comédie lyrique en quatre actes d’André Messager
Livret de Gaston Arman de Caillavet et Robert de Flers 
d’après Le Chandelier d’Alfred de Musset
Créée à l’Opéra Comique le 5 juin 1907

Direction musicale Louis Langrée
Mise en scène Denis Podalydès 
Décors Eric Ruf
Costumes Christian Lacroix
Lumières
Stéphanie Daniel 

Fortunio
Joseph Kaiser 
Jacqueline     Virginie Pochon 
Maître André
Jean-Marie Frémeau 
Clavaroche Jean-Sébastien Bou 
Landry Jean-François Lapointe 
Lieutenant d’Azincourt Philippe Talbot 
Lieutenant de Verbois Jean Teitgen 
Madelon     Sarah Jouffroy 
Maître Subtil
Jérôme Varnier 
Guillaume Eric Martin-Bonnet 
Gertrude Clémentine Margaine

Nouvelle production

Six représentations du 10 au 20 décembre 2009
Jeudi 10 à 20h
Samedi 12 à 20h
Lundi 14 à 20h
Mercredi 16 à 20h
Vendredi 18 à 20h
Dimanche 20 à 15h

Réservations : 0825 01 01 23 et www.opera-comique.com
Tarifs : 108 ▪ 87 ▪ 65 ▪ 40 ▪ 15 ▪ 6€ 

Opéra Comique

Salle Favart 
1 place Boieldieu

Métro : Richelieu Drouot

Articles liés

“Tant pis c’est moi” à La Scala
Agenda
49 vues

“Tant pis c’est moi” à La Scala

Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...

“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
Agenda
80 vues

“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête

C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...

“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Agenda
97 vues

“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée

Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...