Platée – Opéra Garnier
Platée, opéra bouffon, est un somptueux divertissement royal, écrit pour célébrer gaiement en 1745, le mariage du Dauphin et de L’Infante d’Espagne.
La musique de Rameau vivante, légère, dissonante volontairement, magistralement dirigée par Marc Minkowski, est interprétée superbement par les musiciens du Louvre-Grenoble, visibles à hauteur du parterre. L’orchestre est constitué d’instruments baroques : deux clavecins magnifiquement décorés, accompagnés de violons, violoncelles, traversos, et bassons.
Voici l’argument en quelques mots : Jupiter, secondé par Mercure fait semblant de courtiser et de vouloir épouser une grenouille, Platée, pour rendre Junon, son épouse, folle de jalousie en raison de ses infidélités répétées…
Personnage allégorique, caricature des héroïnes tragiques, incarné par un homme, Platée amuse à ses dépends, chante à contretemps, décale les accents toniques, pèche contre les règles de la prosodie ou laisse échapper d’incohérentes vocalises. Les « quoi » de Paul Agnew, repris en écho par les habitantes des marais, sur la musique saugrenue de Rameau, enthousiasment la salle. Ses manières affectées, la lourdeur de sa grâce, la rendent pathétique. Son costume, mélange de nénuphars et d’iris des marais est une merveille. L’interprétation du chanteur, très touchant dans le deuxième partie, fut très applaudie. Salve d’applaudissements pour cet appât finalement rejeté à l’eau.
Platée à l’Opéra Garnier, c’est avant tout un spectacle baroque dans lequel se mélangent les genres au gré de la fantaisie de Laurent Pelly, qui signe cette mise en scène pétillante créée en 1999 et il s’en donne à coeur joie.
Tout est jeu, miroir et fantaisie. Les décors somptueux évoluent et se transforment sous nos yeux. Nous sommes chez les dieux et tout est possible : salle d’opéra, montagnes, grottes, roseaux gigantesques, onde.
Le plateau est miroir de la vie : le choeur lyrique est tantôt un groupe de spectateurs impatients qui se rendent au théâtre. Ils s’installent, escaladent les fauteuils, guidés par des ouvreuses débordées et délurées. Lieu de chorégraphies délirantes du choeur, propre miroir de la salle de l’opéra dans laquelle nous sommes. Tantôt, ce sont des spectateurs invités à la noce.
Tout au long du spectacle, file la métaphore du regard. En écho, le choeur regarde les futurs époux, Platée esseulée en ce jour de noces, regarde tristement les jeunes couples évoluer, convoitée par un crapaud, repoussé. Ce même crapaud surgit dans la salle, se promène parmi les musiciens et nous observe du balcon. Les dieux tout puissants se cachent, épient Platée à son insu, que nous observons à notre tour…
Mélange des genres dans les chorégraphies, spectacles de rue, ballet romantique, disputes échevelées, danse de salon, de rock acrobatique… On retiendra du premier acte, le ballet magnifique des aquilons dans leur robe parapluie : une véritable tempête des vents se déchaîne sur scène. La musique tumultueuse souffle et chacun de résister comme il peut aux parois des montagnes et notons, dans le second acte, la danse des dindons en costumes cocasses autour de La Folie.
Mélange des genres dans les costumes et les coiffures bien entendu : Mercure, dieu messager, descend sur scène en machine volante, clin d’oeil peut-être au physique de Plastic Bertrand des années 80.
Jupiter est un Dracula pailletté, ex-star des années 50, qui revêt avec dérision un masque d’âne et de hiboux pour séduire Platée. Il ne se métamorphose plus en animal noble comme le cygne, le taureau pour plaire à ses victimes. Et sa victime dont il se rit, ne soupçonne jamais la supercherie car c’est un animal ambitieux. On pense naturellement à la fable de la Fontaine : La grenouille qui se veut aussi grosse que le boeuf. Celle-là finit par éclater…
Mais la plus impressionnante, la plus fabuleuse, c’est la Folie, toute vêtue de partitions, incarnée par Mireille Delunsch, exceptionnelle. Avec elle, s’enflamme le plateau. Applaudissons sa superbe interprétation délirante et maîtrisée, drôle et surprenante. Le personnage a volé la lyre d’Apollon et propose à Jupiter et à Platée un divertissement de son cru, théâtre dans le théâtre qui va résumer les débats de l’époque sur les styles musicaux et préciser la position de Rameau. La comédienne joue habilement avec le chef, dirige elle-même l’orchestre et propose des ballets tantôt gais, tantôt tristes. C’est une véritable réflexion esthétique que nous propose Rameau par ce coup de génie. C’est La folie qui raisonne ! Et nous de la suivre avec plaisir dans ce feu d’artifice.
Marie Torrès
Platée
COMÉDIE LYRIQUE (BALLET BOUFFON)
EN UN PROLOGUE ET TROIS ACTES (1745)
MUSIQUE DE JEAN-PHILIPPE RAMEAU (1683-1764)
LIVRET D’ADRIEN-JOSEPH LE VALOIS D’ORVILLE
D’APRÈS LA PIÈCE DE JACQUES AUTREAU
Mercredi 2 décembre 2009 – 19h30
Dimanche 6 décembre 2009 – 14h30
Mardi 8 décembre 2009 – 19h30
Vendredi 11 décembre 2009 – 19h30
Lundi 14 décembre 2009 – 19h30
Jeudi 17 décembre 2009 – 19h30
Lundi 21 décembre 2009 – 19h30
Jeudi 24 décembre 2009 – 19h30
Vendredi 25 décembre 2009 – 19h30
Dimanche 27 décembre 2009 – 19h30
Mardi 29 décembre 2009 – 19h30
Mercredi 30 décembre 2009 – 19h30
Tarifs : 172€ // 138€ // 116€ // 70€ // 40€ // 21€ // 10€ et 7€
Réservations : 08 92 89 90 90
En langue française
Palais Garnier
Place de l’Opéra
M° Opéra
[Visuels (de haut en bas) : Mireille Delunsch (La Folie) et les danseurs. Crédit : Opéra national de Paris/ Christian Leiber // Xavier Mas (Thespis) et le Choeur des Musiciens du Louvre – Grenoble © Opéra national de Paris/ Christian Leiber // Paul Agnew (Platée), François Lis (Jupiter) et Aimery Lefèvre (Momus) © Opéra national de Paris/ Christian Leiber]
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