L’homme à tête de chou au théâtre de Rond Point
Jean-Claude Gallotta joue de la confrontation, de la stratification des démarches artistiques. Album concept, L’homme à tête de chou de Gainsbourg développe une seule histoire dans un déroulement narratif qui lui confère une valeur proche d’une structure cinématographique. Chaque chanson donne alors lieu à un tableau pour les danseurs et confronte la danse à une logique narrative dangereuse par nature et qui est ici une réussite partielle, c’est-à-dire, parfois magnifique, parfois plus maladroite (à noter quelques coquetteries dans l’utilisation des bras des danseurs un peu déconcertantes surtout comparées aux passages beaucoup plus épurés et puissants qui leur font place).
Remarquons que le spectacle met du temps à s’installer, les premiers tableaux sont quelque peu paresseux et maniérés, et les quatorze danseurs semblent alors trop nombreux, inutiles. C’est donc au bout du premier quart d’heure que le spectacle prend véritablement ses marques, gagne en force et en cohérence, et que le lien avec les chansons se dessine et devient crédible.
Signalons que l’absence de décor porte les chorégraphies et les chansons en concentrant toute l’attention sur elles. Ce choix s’avère judicieux et évite d’alourdir la narration en tombant dans une description trop appuyée.
Rééquilibrer les rôles
Mais revenons au concept artistique du spectacle. Nous avions l’habitude des chanteurs accompagnés de danseurs et choristes plus ou moins décoratifs, souvent dévolus au rôle de faire valoir, presque toujours secondaires. La démarche de L’homme à tête de chou a déjà le mérite de rééquilibrer les valeurs artistiques et esthétiques accordées à chaque artiste. Nous obtenons ainsi un spectacle de danse parfaitement inscrit dans un concert dont nous regrettons, sans pouvoir le reprocher à quiconque, qu’il ne soit pas « live ». Et pour cause, la mort d’Alain Bashung, survenue pendant la préparation du spectacle, a nécessité, comme elle a justifié, cette absence. Reste de lui une chaise qu’il devait occuper au milieu des danseurs ; une chaise vide donc dont la présence est parfois gracieuse et mystérieuse, parfois plus encombrante et maladroite, mais forcément touchante pour les admirateurs, encore endeuillés, du chanteur.
Le jumelage Gainsbourg / Bashung
Parlons de chanteurs justement. Gainsbourg et Bashung avaient travaillé ensemble et l’on devine l’admiration du second pour le premier tant l’héritage est palpable dans son travail. En reprenant les chansons de L’homme à tête de chou, Bashung, très reconnaissable, se fond néanmoins dans ce style de chant presque parlé cher à son aîné. Ce style flatte les valeurs littéraires et poétiques des textes ciselés de Gainsbourg, mais aussi, et surtout la nature narrative presque cinématographique du projet de L’homme à tête de chou contemporain, et d’ailleurs, de l’expérience cinématographique de Gainsbourg elle-même : Je t’aime, moi non plus.
Sur une scène sans décors, concentrée sur l’essentiel, L’homme à tête de chou propose un spectacle certes inégal mais réussi. Et, s’il peut décevoir les attentes surdimensionnées de certains « fans » des chanteurs, remis à une place plus rationnelle, il offre un espace d’expérimentation artistique très poétique et touchant.
Lorraine Alexandre
L’homme à tête de chou au Théâtre du Rond Point jusqu’au 19 décembre puis en tournée dans toute la France
Mise en scène et chorégraphie : Jean-Claude Gallotta
Assistante à la chorégraphie : Mathilde Altaraz
Dramaturgie : Claude-Henri Buffard
Costumes : Jacques Schiotto et Marion Mercier
Paroles et musiques originales : Serge Gainsbourg
Dans une version enregistrée pour ce spectacle par Alain Bashung
Orchestration, musiques additionnelles et coréalisation : Denis Clavaizolle
Mixage et coréalisation : Jean Lamoot
Avec : Adrien Boissonnet, Sylvain Decloitre, Nicolas Diguet
Hajiba Fahmy, Ximena Figueroa, Marie Fonte
Ibrahim Guétissi,Benjamin Houal, Yannick Hugron
Cécile Renard, Eléa Robin, Thierry Verger
Loriane Wagner, Béatrice Warrand
Production : Jean-Marc Ghanassia et le Centre chorégraphique national de Grenoble
Coproduction : MC2 : Grenoble
Coréalisation : Théâtre du Rond-Point
remerciements à : Chloé Mons, Yves Quérol, Gérard Michel, Olivier Caillart
avec l’aimable autorisation de Barclay, un label Universal
création à la MC2 : Grenoble le 12 novembre 2009
Jusqu’au 19 décembre à 20h30
Dimanche, 15h – relâche les lundis, les 6 et 13 décembre
Tarif exceptionel : 35 euros
Tarifs réduits : demandeurs d’emploi et moins de 30 ans 20 euros.
Réservations au 01 44 95 98 21, au 0 892 701603 et sur www.theatredurondpoint.fr
Théâtre du Rond-Point – salle Renaud-Barrault
2bis, avenue Franklin D.Roosevelt
75008 Paris
Métro Franklin D.Roosevelt (ligne 1 et 9) ou Champs-Élysées Clemenceau (ligne 1 et 13)
Tournée :
du 12 au 14 novembre 2009 MC2 : Grenoble
les 20 et 21 novembre 2009 Le Quartz à Brest
les 12 et 13 janvier 2010 Espace Malraux de Chambéry
du 11 au 13 mars 2010 Le Colisée de Roubaix
les 4 et 5 mai 2010 Odyssud à Blagnac
les 10 et 11 mai 2010 Le Théâtre musical de Besançon
les 18 et 19 mai 2010 Le Cratère d’Alès
les 26 et 27 mai 2010 Scène nationale de Combs la Ville
1er au 3 juin 2010 La Comédie de Clermont-Ferrand
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