“Sommeil Blanc” de Jean-Paul Guyon, avec Hélène de Fougerolles
Solidification
Plongée dans les eaux profondes d’un lac enneigé, immersion dans le subconscient troublé d’une jeune femme en train de rêver. Le « sommeil blanc » dont on parle est celui de l’héroïne du film, cherchant à sortir de ses cauchemars comme l’on tente d’échapper à la noyade. Camille est une artiste pudique, dissimulant ses toiles comme ses secrets et fuyant toute forme de sociabilité, tandis que son mari se charge d’organiser leur déménagement et leurs futurs projets.
Aussi brune qu’impénétrable, Hélène de Fougerolles change ici de couleur comme de registre, délaissant boucles blondes et comédie légère, pour se glisser avec élégance dans la peau de cette exilée volontaire, murée dans des intérieurs confinés, et oppressée par des extérieurs illimités. Seul détour à ses déambulations solitaires, un jeune garçon venu on ne sait d’où et auquel la jeune femme va s’attacher malgré elle. L’acteur Julien Frison qui, à une consonne près porte bien son nom, campe avec talent ce rôle d’enfant mutique et tendu, ne demandant qu’à être apprivoisé.
Energie vitale ou pulsion mortifère, la nature des liens tissés entre les personnages occupe le centre de l’intrigue, donnant lieu à de beaux moments de complicité, faits de non-dits, de gestes arrêtés, de désirs confus refoulés ou de somnolence ignorée. Des moments de torpeur et de grâce qui à eux seuls ne suffisent pourtant pas à maintenir notre intérêt.
Dégel
Car si la première partie du film crée l’attente, la seconde la frustre. Ayant à cœur d’instaurer un climat étouffant et un mystère permanent, Jean-Paul Guyon use d’artifices quelque peu outranciers, annonçant des péripéties qui ne viennent jamais. Ainsi l’utilisation peu nuancée du son, passant sans transition et sans raison du silence le plus pesant à la musique la plus imposante. Ou encore la fausse importance donnée au hors champ, qui vire aisément à l’exercice de style.
Si le suspense est souvent déçu, les événements effectifs sont quant à eux trop prévisibles. Le fantôme de l’enfant disparu, le remords maternel et la quête d’un passé figé dénouent un canevas plutôt convenu. Evoluant avec peine, le récit perd peu à peu de sa cohérence. Ainsi, les allers et venues de l’ « autre homme » (Marc Barbe) ou le retour soudain du mari (Laurent Lucas) trop longtemps exclu du cadre, manquent de lisibilité.
Instable est la narration qui bascule vaguement vers ce thriller qu’on n’attendait plus ou qui tourne abusivement au mélodrame lors d’une dispute vide de sens et d’un épisode soudainement violent opposant le couple, entre qui, nous dit-on, il n’y a plus rien ni personne à sauver. Limites de la dimension fantasmatique désirée par le metteur en scène qui, en concentrant l’action sur les états intérieurs de son héroïne, dénature par endroits la crédibilité de son rapport aux autres.
A trop se balancer sur le fil ténu du mélange des genres, Jean-Paul Guyon finit par en perdre son équilibre. Mal définies, ses frontières entre rêve, réalité, inaction et tension brouillent le cheminement d’un spectateur, dont les doutes et l’engourdissement peuvent rejoindre malencontreusement ceux des personnages. La beauté du cadre et l’équivocité féconde des rapports entre la jeune femme et l’enfant peinent à faire oublier les artifices d’une mise en scène et l’absence de rythme d’une intrigue, toujours à la lisière de leurs possibilités.
Laetitia Ratane
« Sommeil Blanc »
Drame. Film français, en couleur/ Durée : 1H30.
Sortie le 2 décembre 2009
Réalisateur : Jean-Paul Guyon
Scénaristes : Jean-Paul Guyon, Lucien Carpentier
Avec : Hélène de Fougerolles, Laurent Lucas, Marc Barbé, Julien Frison, Clotilde Mollet, Florence Masure, Geoffrey Carey…
Directeur de la photographie : Marc Thevanian
Ingénieur du son : David Rit
Presse : Cédric Landemaine
Distributeur : Zelig Films
En salles le 2 décembre 2009
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