Rachel, de Simone Bitton
« En cas d’invasion : gants, veste fluorescente, mégaphone, bombe de peinture, plus de banderoles, trousse de premiers secours, bougies, cassettes DV, piles, allumettes, lampe à pétrole, photocopie couleur de mon passeport. » C’est par cette longue liste, énoncée par la voix d’une jeune anglaise, incarnant la voix de Rachel, que commence le film. Une liste aussi précise et carrée que n’était déterminée et engagée la jeune femme. Puis, l’on assiste aux témoignages des différents bénévoles qui étaient partis avec elle, et qui, eux aussi, n’avaient que pour eux leurs utopies et leur nationalité (américaine, écossaise et autres). Le film nous plonge lentement dans le contexte, expliquant non pas de manière linéaire, mais plutôt spiralée le déroulement des événements. Mais cette spirale là n’est pas une spirale ascendante. C’est une spirale descente, qui nous plonge toujours plus loin au cœur de l’absurdité humaine, jusqu’au néant de la mort.
Par des allers-retours dans le passé, on découvre peu à peu les raisons pour lesquelles ces jeunes pacifistes étrangers se trouvaient là et le film nous dévoile sobrement l’enfer de la condition des Palestiniens, qui voient leurs demeures rasées et leurs champs défrichées dans l’impuissance et l’injustice les plus totales.
Critique d’une machine étatique
Forcément, le film défend un point de vue, une lecture – il n’y a pas de cinéma objectif. Mais aussi révoltante que peuvent être ces images, aucun commentaire ne vient orienter le jugement du spectateur, qui est comme confronté directement aux protagonistes et aux sinuosités de l’histoire. Et ce qui est mis en accusation, ce ne sont pas des hommes et des femmes, c’est bien plus une machine, celle de l’Etat Israélien aux prises de sa propre folie sécuritaire et haineuse. Les récits de jeunes soldats le montrent bien : si l’accident a eu lieu, ce n’est pas parce que l’un d’eux, pris d’une pulsion mortifère, a délibérément voulu écraser Rachel, mais parce que les conditions psychologiques sont telles que ces jeunes gens ne sont plus à même de mesurer la valeur d’une vie ou de prendre conscience de la réalité qui les entourent. Pris dans la nécessité de respecter les ordres, ils deviennent des sortes de machines d’exécution, en dehors de toute humanité.
Du sacrifice d’un peuple au sacrifice d’une jeune fille
Dans une grande sobriété – le film semble particulièrement silencieux, comme si le son était assourdi, maintenu suspendu – rend compte de cette histoire tragique, absolument choquante et révoltante. On conseillerait aux âmes sensibles de s’abstenir. Mais n’est-ce pas justement à force de fermer les yeux que cet événement a pu se produire ? N’est-ce pas du fait de l’aveuglement ou de l’absence de réaction de la Communauté internationale que Rachel a pu en arriver là ? Le film de Simone Bitton ose aller voir du côté de l’indicible, car en effet personne, du côté israélien, ne peut dire ce qui s’est vraiment passé. La cinéaste ose montrer ce qui est scandaleux : les clichés de Rachel agonisant, entourée de ses amis. Mais c’est parce que des hommes et femmes comme elle osent nous faire voir le scandale et nous arracher des larmes que la situation pourra, peut-être, un jour, changer. A la fin du film, un jeune israélien anarchiste qui combat l’occupation explique qu’il n’y pas d’espoir, mais qu’on peut lutter sans espoir. Pour lui, la résistance c’est la vie et la vérité est dans la révolte. On pourrait dire la même chose du film de Simone Bitton : le film ne fera pas revenir Rachel. Mais il fait œuvre de résistance face à la situation particulière et horrible qui est celle des Palestiniens et face à un état plus général du monde, et rien que pour cela, il doit être montré.
Chloé Goudenhooft
Rachel, de Simone Bitton
Sortie le 21 octobre 2009
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