Lorsque Figaro divorce à la Comédie Française…
Figaro divorce n’est pas une suite parodiée du Mariage de Figaro mais une tragi-comédie sociale de grande qualité écrite par Ödon von Horvath pendant l’entre-deux-guerres. L’auteur, inspiré par sa situation d’émigré se sert des prémices d’une Révolution déjà perceptible dans l’œuvre de Beaumarchais pour faire de la Révolution Française le point de départ de sa pièce.
Le premier tableau, rendu grandiose et glacial par la mise en scène de Jacques Lassalle, nous confronte donc à la fuite inévitable du Comte et de la Comtesse Almaviva. Plutôt que de profiter de l’avantage que pourraient leur offrir ces bouleversements sociaux, Figaro et son épouse Suzanne accompagnent fidèlement leurs maîtres dans cet exil. Incapables de se résoudre à la réalité de leur nouvelle infortune, le Comte et la Comtesse continuent à vivre à la mode de l’Ancien Régime plutôt que d’investir pour leur pérennité. Pragmatique, Figaro qui sent bien que ceux-là sont en marche vers la ruine, va contre sa femme en décidant pour eux deux de quitter le couple Almaviva afin de se construire une nouvelle vie. Dans une toute petite ville de province, Figaro ouvre alors le salon de coiffure par et dans lequel Suzanne et lui vont se perdre. Finalement, c’est un Figaro cocufié et divorcé à la demande de Suzanne qui reparaît à la fonction d’intendant du château comtal originel. Au service d’un nouvel Etat, l’enjeu sera de savoir si Figaro peut encore être juste pour Suzanne et son ancien maître déchu.
La mise en scène de Jacques Lassalle a ceci de réussi qu’elle parvient à une construction filmique très respectueuse de l’écriture d’Ödon von Horvath. Par le ralentissement du jeu, il agit intelligemment en contrepoint d’une vitesse d’écriture qui va de paire avec son aspect cinématographique, et c’est ainsi qu’il nous offre le temps d’être vraiment pénétrés par un texte. D’un tableau à l’autre, le déploiement de décors de moins en moins traditionnels et de plus en plus design ajoutent une lecture temporelle intéressante de l’œuvre, et appuie l’idée de bouleversements sociaux si profonds qu’ils sont comme de grands bons pour l’Histoire et dans le temps.
Avec mesure, les prestations d’acteurs font toutes ressortir la part d’ombre et d’étrangeté de personnages en détresse, tendus entre choix et non choix mais guidés par une puissance inconsciente apparemment supérieure. Ainsi, si l’on peu regretter que Figaro ne soit pas plus vif, on comprend qu’il y a là un parti pris qui n’est pas en décalage avec l’ensemble de la pièce. Et globalement, il faut bien que la performance de l’ensemble de la troupe de la Comédie Française séduise une fois de plus.
Jacques Lassalle nous offre donc une lecture juste et épurée du Figaro divorce d’Ödon von Horvath. Un spectacle majestueux, du vrai théâtre.
Christine Sanchez
Figaro divorce
Comédie en trois actes d’Ödön von Horvath
Mise en scène Jacques Lassalle
Avec Claude Mathieu, Catherine Sauval, Thierry Hancisse, Sylvia Bergé, Bruno Raffaelli, Alain Lenglet, Florence Viala, Céline Samie, Jérôme Pouly, Michel Vuillermoz, Christian Cloarec, Loïc Corbery, Pierre-Louis Calixte, Serge Bagdassarian, Gilles David…
Du 26 septembre 2009 au 7 février 2010 à 20.30 (matinées: 14.00)
Guichets ouverts du lundi au dimanche de 11 h à 18 h
Location : 0825 10 1680 ou sur Internet
Tarif: de 37 à 11 euros
Comédie Française – Salle Richelieu
Place Colette
Paris 1er – Métro Palais Royal Musée du Louvre / Pyramide
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