Ecritureabstraction à la Galerie RX
La galerie RX regroupe neuf artistes aux techniques et points de vue différents sur un thème qui ne cesse d’occuper les plasticiens dans la recherche des fondements mêmes de leur art. Nous savons que pour Hegel l’artiste est un philosophe de la matière donnant naissance à une pensée abstraite en ce qu’elle n’est pas objectivement énoncée par des mots, mais concrète par sa présence matérielle. Par ailleurs, le philosophe, concret lorsqu’il explique sa pensée, tend vers l’abstraction du signe sur le papier.
Ce dernier point se retrouve dans les œuvres de Marc Couturier (pointe d’argent sur toile) et Clara Halter (gravure) qui écrivent dans un geste répétitif, obsessionnel, des lettres et des mots alors méconnaissables, superposés. Ici, seul le geste compte. Les artistes prônent ainsi l’écriture comme action physique, purement plastique, et sans volonté d’imposer un sens autre que sa propre matérialité.
Le systématisme évoqué dans ces créations s’impose dans le travail de Cédric Teisseire (laque sur toile cirée) tendant vers une abstraction telle qu’il semble échapper au thème de l’exposition. Sa présence surprend donc tout comme celle de Lee Bae (charbon et médium acrylique) montrant des formes épurées et abstraites sur de grands formats. Cette surprise a l’avantage d’interroger le visiteur. Il faut donc marquer un temps avant d’inscrire leur démarche dans une logique du signe si épuré qu’il y perd complètement son potentiel signifiant et s’octroie une liberté plastique, une prise de distance avec le réel pour savourer une zone d’énergie visuelle.
Réappropriation du réel par l’art
Herman de Vries (crayon de couleur sur papier) privilégie aussi l’aspect visuel de l’écriture dans un travail simple mais efficace dans lequel le signe fait de nouveau sens (l’on reconnaît le symbole hindou Aum, son à l’origine de la création de l’univers). L’écriture, ici, ne tend pas à la création d’un langage ; elle favorise plutôt la force culturelle et spirituelle du signe.
Se rapprochant lui aussi du symbolisme, Jacques Villeglé (crayon de couleur) étudie toujours son alphabet « sociopolitique » (enclenché en 1969). Il travaille l’écriture comme forme et montre la force créatrice et plastique à l’origine de tout alphabet. Il souligne également l’inscription sociologique et politique du signe qui, bien qu’abstrait par nature, se voit toujours investi d’un sens dans son utilisation usuelle.
Pour leur part, Anna Malagrida (photographie) et Pascal Dombis (lenticulaire) se nourrissent de la valeur sociologique des inscriptions mais pour interroger leur limite, leur point d’aveuglement à force de superpositions, de contradictions.
Finissons avec l’incontournable Georges Rousse (photographie) qui poursuit son subtil mais néanmoins monumental travail d’investissement de l’espace. Il sait créer les tensions qui confrontent abstraction et recherches purement formalistes, et figuration plus clairement signifiante. Il résume à lui seul la logique de l’exposition.
Les artistes de cette exposition éclectique ont pour point commun de mêler abstraction et figuration dans la recherche d’un mode de réappropriation du réel par l’art.
Lorraine Alexandre
Ecritureabstraction – Neuf artistes
Jusqu’au 24 octobre 2009
Du mardi au samedi
de 14h à 19h ou sur RDV
Informations : 01 45 63 18 78
Entrée libre
Galerie RX
6, avenue Delcassé – 75008
Métro : Miromesnil (ligne 9)
Article associé : Portrait de Eric Dereumaux, directeur de la Galerie Rx
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