Eva Darlan
Déjà présente dans le Off en 2008 avec deux pièces Tâche d’encre et Les Monologues du Vagin au théâtre Le Bélier, la comédienne souhaitait réitérer l’aventure cette fois avec la pièce Divins Divans. « En 2008, c’était la première fois de ma vie que je venais à Avignon et je me suis prise une vraie claque. J’ai retrouvé ce que je voulais être dans la vie à savoir une saltimbanque. Ici, chaque jour est un nouveau défi, il faut tout recommencer et toujours être à la recherche du public. Du coup, je passe beaucoup de temps à tracter dans les rues pour aller à la rencontre des gens et c’est vraiment extraordinaire. Je me sens très à fleur de peau au contact du public. Avignon est un vivier, un foyer de créativité insensé ».
Divins Divansa été co-écrit avec la complicité de Sophie Daquin. La comédienne se souvient : « j’ai eu un flash en voiture et j’ai été comme foudroyée par l’idée de faire un spectacle sur l’analyse ». Eva Darlan a elle-même connu des périodes difficiles dans sa vie privée dont elle s’est inspirée pour ce spectacle ainsi que l’expérience d’amis.
Elle dit avoir écrit son spectacle très vite, en trois semaines. « Pourtant, le plus dur vient après, avec le peaufinage et la mise en forme définitive de la pièce ». Le metteur en scène lui fait ensuite travailler sa gestuelle et le texte s’enrichit aussi sans arrêt. Avant d’entrer sur scène, Eva nous confie avoir toujours cette petite boule au creux du ventre : « j’ai plaisir à avoir peur car cela signifie que tout va bien, qu’il n’y a rien dans ma vie de plus grave que mon jeu sur scène, ce qui est essentiel ».
Eva Darlan intègre à 13 ans le cours Simon, puis à 16 ans la troupe d’un théâtre amateur, enfin, à 18 ans elle commence à suivre les cours de l’Ecole de la rue Blanche. Cette époque est marquée par l’absence de reconnaissance de ses parents qui se poursuit aujourd’hui. « Je viens d’un milieu simple, mon père était crieur de journaux et ma mère petite main chez une couturière. J’ai connu une enfance assez malheureuse, du coup j’éprouvais le besoin de m’évader et d’être ailleurs ». A sa majorité, Eva travaille à la maison des jeunes et de la culture de Bois-Colombes. A 25 ans, la pièce Les Jeannes marque un tournant décisif dans sa vie puisqu’elle rencontre notamment Ribes et Lelouche. Elle se souvient : « pour la première fois je faisais vraiment ce que je voulais faire depuis toujours ». Elle part ensuite jouer au Canada.
Elle débute réellement au théâtre avec la pièce de boulevard Bain de nuit, elle joue ensuite pour Godard avec le film Soigne ta droite : « j’étais comme un tube de peinture, il pouvait me presser dans tous les sens et être très exigeant, il en sortait toujours quelque chose de beau ». Elle se fait connaître à un plus large public avec les émissions « Merci Bernard » et « Palace ».
Eva travaille à la fois pour le cinéma, la télévision et le théâtre : « à chaque fois ce sont des modes d’expression différents. Sur grand et petit écran on exerce un travail très minutieux, l’éclat devant l’objectif est immédiat », nous confie-t-elle.
En 2003, la série télévisée « Mme Le Proviseur » la propulse sur le devant du petit écran et sa sympathie en font l’une des personnalités les plus appréciées du grand public. Eva se rappelle non sans émotion : « Charlotte (de Türkheim) était venue me voir un jour pour me proposer ce rôle qu’elle ne souhaitait pas prolonger et j’ai tout de suite accepter. La série a reçu un accueil très chaleureux, j’ai très mal vécu son arrêt… ».
Eva Darlan compte revenir en 2010 à Avignon avec un projet quelle qualifie de « terriblement ambitieux », tiré d’un livre qu’elle a écrit mais qui n’a pas été publié. « Ce sera quelque chose d’à la fois très intense, profond et fragile tout en étant gai et superficiel » nous promet-elle. Et de conclure : « j’aime beaucoup passer du rire au larme et j’espère que le public sera réceptif » .
Vous sentez-vous proches de vos maîtres ?
Je voue une grande admiration à Ariane Mnouchkine et Philippe Adrien.
Quelle place tient la fuite du temps dans votre vie ?
J’ai peur de ne pas pouvoir tout voir et tout faire. J’ai déjà beaucoup de regrets en général notamment un concernant Claude Miller qui m’avait proposé un film mais à l’époque je n’étais pas sûre de moi et je m’étais engagée sur un autre projet que je n’ai pas osé rompre. Aujourd’hui, je considère que le temps permet de s’enrichir terriblement, d’élargir ses possibilités. Finalement, je me sens de plus en plus épanouie et j’ai moins peur des gens.
Le premier évènement artistiquement marquant de votre vie…
A 3 ans, j’étais devant mon miroir et je donnais des conseils à mon ours en peluche pour qu’il devienne un homme, tout cela sous l’œil attendri et amusé de mes parents. Dans ma petite tête, je me suis dit : c’est ça que je veux faire (rire). Sinon Johnny Got his gun (Johnny s’en va-t-en guerre) de Dalton Trambo et son impossibilité de communiquer m’a beaucoup marquée.
En quoi aimeriez-vous vous réincarner ?
En rien du tout, j’aurai déjà vécu une fois ce ne serait pas marrant de recommencer.
Existe-t-il un endroit qui vous inspire ?
Mon ordinateur car je peux l’emmener n’importe où et travailler avec. On peut toujours tout corriger d’un clic.
Quelle est votre idée de la consécration artistique ?
Jouer au théâtre de l’Odéon devant une salle pleine, une pièce mise en scène par Haneke avec un de ses textes.
Propos recueiilis par Morgane Guimier
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