On redécouvre le Cid de Corneille au Théâtre Silvia Montfort.
En dépit d’une certaine audace de la mise en scène, notamment par une toile illustrant la cour, on ne sent pas une véritable recherche dans l’interprétation. Les jeux respectifs restent très attachés à la vision commune de l’oeuvre donc d’une certaine manière très convenus.
Avant d’évoquer la mise en scène de Bénédicte Duban, léger rappel de l’intrigue de cette pièce écrite en 1637. Rodrigue et Chimène s’aiment. Mais leurs pères respectifs se querellent et voilà l’amour des jeunes brisé par la rivalité des anciens. Comment venger son père lorsque l’offenseur est le père de la femme aimée ?
Le rideau s’ouvre sur une gigantesque toile noire au-dessus de laquelle trône une imposante couronne de fil de fer ornée de petites lumières. Cette installation conique nous fait penser à une toile d’araignée, large et envahissante, dans laquelle de nombreux passages et replis tortueux permettent aux personnages de se faufiler. La toile symbolise une cour du roi, dans laquelle il faut faire preuve d’agilité pour parvenir à son but. Une cour où la royauté domine et où l’on peut vite se perdre si l’on ne connaît pas ses rouages. L’ambiance scénique en devient très sombre.
Le texte est clamé, les gestes sont larges et les émotions bien perceptibles, taille du Théâtre oblige. Cette version du Cid monté par Bénédicte Duban est un exercice plutôt réussi, la psychologie des personnages etant respectée à la virgule près. Rodrigue est valeureux,: il accepte son sort et jusqu’au au bout tentera d’essuyer l’affront fait à Chimène, en offrant jusqu’à sa tête. Quant à Chimène, elle est aimante et blessée au plus profond d’elle-même. Placé au centre et en hauteur, le roi est le juste arbitre des volontés contradictoires qui s’affrontent dans la pièce.
Le poids de l’honneur est une notion présente tout au long de la pièce, tant par les postures qu’adoptent les comédiens, que par les costumes, imposants, nobles et modernes. Les motivations qui habitent les personnages paraissent aujourd’hui bien maigres tant l’individualisation de nos sociétés nous pousse à nous occuper de nos petites personnes. Et pourtant le jeu de la compagnie du Cygne rend crédibles ces âmes valeureuses et nobles qui peuplaient autrefois les campagnes espagnoles. Travailler sur le fond sans mépriser la forme. C’est comme cela que, lorsque Rodrigue décrit son périple au Roi, celui ci vient s’installer dans le public afin de profiter des talents de conteur de Rodrigue. Le discours face public nous parait alors évident et ne caricature plus le mode d’expression théâtral.
Malgré cette vision un peu “déja vue” Bénédicte Durban réussit tout de même à nous faire ressentir la dualité des sentiments qui habitent le couple, notamment durant la scène des adieux de Rodrigue avant les champs de bataille. Les gestes sont charnels et féroces, dans une cour où les plus forts au combat sont les plus respectés. Dans ce flot de gestes grandiloquents, indispensables sur cette scène du Théâtre Silvia Montfort, ce moment d’adieu apparait comme incroyablement touchante puisque plus intime.
Chaque protagoniste trouve sa place même si le jeu décalé du roi (Bruno Ouzeau) lui donne une place et un rayonnement tout particulier.
Un joli moment où l’on redécouvre un texte magnifique et où le verbe est à la hauteur des sentiments. L’interprétation, pleine de sincérité, reste pourtant trop convenue pour une pièce jouée depuis des siècles.
du 28 Avril au 23 Mai 2009
Réservation: 01 56 08 33 88
Tarifs: 18 euros 22 euros 28 euros
durée: 1h30
Théâtre Silvia Montfort
Parc Georges Brassens
106 rue de Brancion
75015 Paris
http://www.theatresilviamonfort.com
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