LE LOUVRE PENDANT LA GUERRE – Regards photographiques 1938-1947
Le thème du Louvre pendant la guerre n’est pas nouveau. S’il a fait l’objet d’une recherche de camp qui a abouti au documentaire La Guerre du Louvre de Jean-Claude Bringuier en 1990, la situation aujourd’hui est bien différente. Les délais administratifs de rigueur écoulés, s’ouvrent maintenant de nouveaux fonds d’archives d’une valeur précieuse.
Un petit plus. Avec cette exposition, le Louvre montre pour la première fois une partie du contenu des albums de Pierre Jahan, acquis en 2005 ; photographe qui couvrit la réouverture du musée en 1945. Le musée laisse, également, de côté l’analyse héroïque centrée sur le devenir mouvementé des œuvres en province pour se focaliser véritablement sur la vie de cette emblématique institution, symbole du pouvoir français.
Les photographes à découvrir
Les clichés correspondants à l’époque ne sont pas nombreux et souvent les auteurs sont difficiles à identifier à cause des menaces qui pesaient sur quiconque cherchait à exposer les actions nazies. L’exposition compte donc avec des photographies d’origine très diverses.
Les photographes amateurs. Germain Bazin, alors conservateur du Département des peintures, fut le témoin direct de cet épisode à travers l’objectif de son appareil. De même pour un photographe nazi anonyme, probablement en charge des inventaires dans les salles occupées par l’ERR (Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg), division en charge de la réquisition d’un certain nombre d’œuvres et d’archive, principalement en France.
Les photographes de presse. La censure les a réduit au rang de simples techniciens et la grande majorité passe à l’anonymat. Les sources identifiables de ce type de clichés sont l’agence de presse SAFARA, née de la fusion de plusieurs agences d’avant-guerre, le photographe Noël Le Boyer qui réalisa un reportage complet sur le déménagement de 1939 et le journaliste hongrois Paul Almasy qui capte les intérieurs du musée en apportant une vision à contre-courant de la propagande officielle.
Les photographes de l’administration. Alexandre Séarl travaille avec Christiane Aulanier sur la réalisation d’une banque d’images sur l’histoire du Louvre. Il est présent en 1938 lors du premier déménagement et mène une enquête sur les combats qui ont lieu autour du Louvre après la Libération. Pierre Francheschi et Patrice Molina couvrent l’exposition de chefs-d’œuvre en 1945 au nom de la section Monuments historiques.
Les photographes indépendants. Laure Albin-Guillot, artiste du portrait, photographie les travailleurs lors des déplacements de la Vénus de Milo et de la Victoire de Samothrace en captant les statues comme de véritables modèles vivants. Marc Vaux se recycle pendant la guerre en reporter de presse et en septembre 1939 se retrouve confronté à un musée avec les salles abandonnées, dépourvues de leurs plus beaux trésors. Une fois finie la guerre, Pierre Jahan transforme la tâche peineuse du déballage des œuvres en une image de son art finement travaillé. Le travail humaniste de Robert Doisneau saisi le nouveau public de ce musée de l’après-guerre.
L’exposition : l’histoire à travers les yeux du musée
Une introduction et une conclusion chronologiques ouvrent et ferment respectivement le parcours. La première permet au visiteur d’établir une vision générale du cadre dans lequel se déroulent les événements postérieurs, il se prépare aux conséquences de la guerre en même temps que le musée. La deuxième met en image la récupération progressive de l’institution démunie, à la fin de la guerre, de toutes ces pièces de valeur.
Entre les deux, nous pouvons découvrir une première section intitulée Des œuvres en voyage centrée sur les trois symboles du Louvre : la Joconde, la Victoire de Samothrace et la Venus de Milo. Les clichés mettent en évidence la complexité de l’opération et les anecdotes qui entourent cet exode des œuvres.
Une deuxième partie qui retrace la vie du musée dans la capitale occupée (Un palais au cœur d’une capitale occupée) vient compléter la visite avec des images de sa mutation sous l’influence des forces nazies.
La présentation du tout est très soignée avec des vidéos à découvrir, des légendes dotées d’un plan qui permet de repérer les lieux des photographies… Les clichés originaux sont présentés dans des cadres vitrés alors que les tirages nouveaux s’exposent à nu. Une mise en scène austère mais très réussie qui plonge le visiteur dans les remue-ménages des déménagements.
Les incontournables
Des photos à ne pas louper !
La Vénus encordée et la Vénus décordée. Laure Albin-Guillot ou Marc Vaux ? Sept. 1939. Deux clichés qui montrent la figure imposante de la déesse dans un cadre de désolation. La ressemblance entre les deux images invite le visiteur au jeu des sept erreurs.
La caisse LP 0. Pierre Jahan. 17 juin 1945 ? Le code visible sur le côté de la caisse ainsi que les trois points rouges ne laisse pas de doute sur son contenu : La Joconde.
La Grande Galerie abandonnée. Marc Vaux. Sept. – oct. 1939. Ce grand espace dédié aux peintures italiennes ici vide et simple entrepôt des cadres qui abrités les chefs d’œuvres des grands maîtres latins.
La rotonde de Mars à l’heure allemande. Paul Alsamy. 1942. Sans aucun filtre, ce cliché nous montre le vrai Louvre des allemands : des espaces délaissés, une visite guidé par des barrières et des panneaux adjurant en allemand. A comparer, avec Le maréchal Von Rundstedt au Louvre, estampe de la propagande officielle, qui essaie de transmettre une image de musée vivant et dynamique.
Le cénotaphe de la Victoire de Samothrace. Anonyme. Août 1944-juin 1945. Les militaires alliés contemplent l’échafaudage qui servit à mobiliser la Victoire de Samothrace. Il est intéressant de relever dans ce cliché cette idée d’union des forces face à la barbarie nazie, ainsi que l’état d’abandon dans lequel s’est trouvé le musée longtemps après la libération.
Autres expositions
2009 est une année indispensable pour tous ceux qui souhaitent revisiter l’histoire des musées français pendant la Seconde Guerre Mondiale.
A partir du mois d’octobre, Chambord reprend le flambeau avec une exposition qui met en avant le rôle décisif du château dans la protection des trésors du Louvre. De même, le Musée de la Résistance de Lyon se lance à partir de l’hiver prochain dans un hommage à Rose Valland, historienne d’art, résistante et personnage incontournable dans le procès de sauvetage et récupération des œuvres volées par les Nazis.
Paola Alegria Martinez
Le Louvre pendant la guerre
Regards photographiques 1938-1947
Exposition du 7 mai au 30 août
Aile Sully
Salle de la Maquette
Mo Palais-Royal / musée du Louvre
75001 Paris
01 40 20 50 50
Commisaire: Guillaume Fonkenell,
Conservateur au département des Sculptures,chargé de l’histoire du Louvre
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