William Blake – Petit Palais
La première rétrospective sur William Blake en France eut lieu en 1947, à la galerie Drouin, qui accueillit quatre-vingts œuvres de l’artiste. Il a fallu attendre soixante-deux ans pour que le Petit Palais rassemble, en sept parties thématiques, cent cinquante oeuvres de ce peintre méconnu du public français. L’exposition suit, de 1767 à 1827, le parcours de cet artiste unique et inclassable, dont la modernité et le génie halluciné éclatent dans chaque composition.
Cette exposition met en lumière le mépris de Blake pour la peinture à l’huile, à laquelle il préfère l’aquarelle et la gravure en relief, deux moyens d’expression qui, selon lui, donnent plus de force à la puissance créatrice des œuvres et leur confèrent une plus grande spontanéité. On entre d’abord dans l’univers de l’artiste par le biais de ses tableaux à la détrempe influencés par l’art de la fresque de la Renaissance italienne: les hommages à Dante, qui hante l’imaginaire du poète, Chaucer et Milton se succèdent, mettant en évidence les influences classiques de Blake. Mais très vite, le visiteur pénètre au cœur d’un monde prophétique où l’image et le texte s’entremêlent et se complètent.
Illustrateur de ses propres ouvrages poétiques, Blake, par le biais d’un symbolisme visionnaire et complexe, dénonce les idéologies et les conformismes qui enferment l’esprit dans un dangereux fanatisme et empêchent le génie créateur de s’épanouir. Ardent républicain, infatigable défenseur des libertés et farouche pourfendeur des institutions, qu’elles soient artistiques ou religieuses, il crée sa propre mythologie et la mêle à des événements contemporains, ce qui rend parfois ses œuvres difficiles à interpréter. Auteur de « manuscrits enluminés », qui rappellent le goût du poète pour le Moyen Âge et dont on peut admirer la préciosité et l’extrême minutie à l’exposition, Blake allie la poésie du verbe et l’onirisme de l’image grâce à un chromatisme igné, moderne et intense qui exalte son art prophétique et inspiré des principes bouddhiques. Personnages bibliques, mythologiques et chimériques à la corpulence michelangelesque hantent ses compositions tourmentées mais remplies d’une énergie sacrée qui, pour Blake, est la vie même. Ses protagonistes fantasmagoriques confèrent une dimension cosmique, infinie et surnaturelle à ses estampes en couleurs, dont les thèmes sont inspirés de Dante et de la Bible.
« L’inspiration et la vision étaient, sont et seront toujours, j’espère, mon Elément, mon Refuge éternel »: l’exposition illustre parfaitement cette citation de Blake. Son manque d’explications, qui pourrait être perçu comme un aspect négatif, participe au mystère qui enveloppe cet artiste hors du commun. Génie incompris en son temps et malheureusement encore trop peu connu en France de nos jours, Blake est réhabilité avec brio grâce aux nombreux prêts des musées d’Outre-Manche, où sa célébrité égale celle de Victor Hugo dans l’Hexagone. La briéveté de cet article ne peut donner qu’un aperçu de la richesse de l’exposition du Petit Palais, qui mérite le déplacement: dépassez votre potentielle appréhension et laissez-vous imprégner de l’univers complexe et passionnant de William Blake. Que les oeuvres exposées vous donnent envie de lire ses poèmes!
Maureen Charlet
William Blake
Commissariat :
- Michael Phillips, commissaire invité,
- Gilles Chazal, conservateur général du Patrimoine et directeur du Petit Palais,
- Daniel Marchesseau, conservateur général du Patrimoine et directeur du musée de la Vie romantique,
- Catherine de Bourgoing, adjointe au directeur du musée de la Vie romantique,
- Charles Villeneuve de Janti, conservateur du département des arts graphiques XIXe-XXe siècles du Petit Palais
Du 2 avril au 28 juin 2009
Ouvert tous les jours de 10h à 18h, sauf les lundis et jours fériés
Nocturne le jeudi jusqu’à 20h (uniquement exposition temporaire)
Plein tarif: 9 euros // Tarif réduit : 7 euros // Tarif jeune : 4,50 euros
Petit Palais
Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Avenue Winston Churchill
75008 Paris
M° Champs-Elysées-Clemenceau ou Concorde (l. 1, 8 ou 12)
[Visuel : Paris Petit Palais en 2006. Photographie prise par GIRAUD Patrick. Licence Creative Commons Paternité – Partage des conditions initiales à l’identique 3.0 Unported]
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