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La Cerisaie – Tchékhov – Théâtre National de La Colline

3 avril 2009
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Les quatre tableaux de La Cerisaie, d’une poésie riche mais épurée, se déroulent et s’enchaînent en grâce et en fluidité. L’harmonie de l’écriture tchékhovienne rencontre effectivement un parfait écho dans le relais d’une mise en scène qui ramène à la Russie des robes empires, comme à la nécessité d’une nature plus impérissable et plus belle que les mouvements d’émergence et de repli des classes. Alors si l’on comprend la Russie en profonde mutation d’un entre-deux siècles, si l’on comprend la fin d’une aristocratie pour la naissance d’une nouvelle bourgeoisie à tendance capitaliste, on reconnait surtout la toute puissance de La Cerisaie, et du beau avec elle.

L’œuvre de Tchékhov est forte de nous livrer un au-delà des allers et venues détachés de ses protagonistes, de protagonistes rendus vrais de rester secondaires, à l’instar du personnage éponyme et majeur de cette pièce : La Cerisaie. Pas besoin de voir cette cerisaie pour comprendre qu’elle prévaut et Alain Françon est respectueux lorsqu’il nous la donne discrètement, et nous la laisse à rêver dans les effluves évanescents de l’arrière plan de son premier tableau.

Cette réussite, Alain Françon la doit certainement en grande partie à l’attention portée aux cahiers de régie de Stanislavski qui monta le premier La Cerisaie pour le Théâtre d’art de Moscou. Alors on pourrait reprocher, que son regard fortement influencé par son retour sur les démarches artistiques de Stanislavski ne soit pas neuf, mais on apprécie finalement ce parti pris modeste qui l’a fait s’inspirant du metteur en scène russe d’antan, et ce au bénéfice d’une atmosphère d’époque qu’il fallait bien retrouver. Et puis, ce recours aux sources n’a pas empêché Alain Françon de s’en éloigner aussi, en optant pour la première version de La Cerisaie d’Anton Tchékhov, version plus noire que celle qui fut jouée sous la direction de Stanislavski pour la première fois.

Les interprètes de cette pièce ne font ni vraiment rire, ni vraiment pleurer ; ils font sourire et grincer comme l’œuvre tchékhovienne et c’est là qu’on se dit que leur talent a été sacrément bien dirigé. A peine stéréotypés, les personnages vont et viennent sans trop savoir et sans trop se livrer. Le jeu est profond mais fort de persister entre pudeur et sincérité, fort de restaurer la singularité de la psychologie des personnages de Tchékhov qui tout en étant finement caractérisés, conservent toujours une part de mystère. La voix brisée, paradoxale entre le roque et l’aiguë, d’un Jean-Paul Roussillon qui campe un Firs dont la vieille drôlerie n’empêche pas la sagesse, agit comme la synecdoque capable d’exalter toute la gaîté mélancolique de cette pièce ultime.

Dans cette œuvre magistrale, l’amour du beau essaie, entre aveuglement et déni, de primer sur les aléas d’une vie qui se voudrait insoumise aux réalités économiques. Cette cerisaie là apparaît si difficilement contournable…voire carrément inévitable pour les inconditionnels de Tchékhov !

Christine Sanchez

La Cerisaie d’Anton Tchékhov, mise en scène par Alain Françon Avec Dominique Valadié, Didier Sandre, Jean-Paul Roussillon, Sébastien Pouseroux, Julie Pilod, Agathe L’Huillier, Guillaume Lévêque, Jérôme Kircher, Pierre-Félix Gravière, Philippe Duquesne, Noémie Develay-Ressiguier, Irina Dalle, Thomas Condemine, Clément Bresson…

Mardi à 19 h30
Mercredi, jeudi, vendredi et samedi à 20h30
Dimanche à 15 h30

Tarifs : de 13 à 27 euros

Location: 01.44.62.52.52

Théâtre National de la Colline
15, rue Malte-Brun
75020 Paris
M° Gambetta

[Visuel : © Pascal Victor]

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