« Les Noces / Mariage » Lorsque tradition et modernité s’unissent sur une même scène.
C’est donc bien la rencontre percutante de deux versions pour un même chef-d’œuvre de Stravinsky que le ballet de Lorraine nous propose avec cette partition de danse.
La première version est l’originale de Noces conçue en 1923 par Bronislava Nijinska pour les Ballets russes de Diaghilev. D’une modernité déconcertante pour l’époque cette version déstabilise davantage aujourd’hui par son caractère austère et rudimentaire. Les rituels russes du mariage s’apparentent à des rituels funèbres dénués de toute liesse et la dimension folklorique de la scène ne revêt volontairement aucun charme. Les personnages impressionnent par leur détermination et leurs visages fermés dépourvus d’émotion tandis que leurs gestes se font lourds et contraignants comme inexorablement soumis aux lois de la pesanteur. Les pointes des danseuses n’y font rien si ce n’est évoquer davantage les statues de saintes, les ramenant ainsi un peu plus vers cette vision d’une tradition figée, sclérosante. Les instruments frappés et les percutions confèrent à la musique un rythme mouvant et menaçant tandis que l’on s’élève aux railleries et sarcasmes par la prosodie des solistes.
C’est d’ailleurs sur cette même partition que la seconde version nous est présentée. Là encore les noces se font funèbres, les mariés tout de noir vêtus, sont animés des gestes saccadés et des attitudes violentes de la danse contemporaine. Il se dégage de cette chorégraphie de Tero Saarinen une émotion puissante efficacement rendue par la gestuelle torturée des protagonistes qui au centre d’une arène, symbole de l’anneau nuptial, tentent de se soustraire aux lois du mariage forcé. Les futurs mariés encerclés par des individus inquiétants presque impérieux, vêtus de larges habits noirs, révèlent leur impuissance et subissent ce rituel macabre, tels les héros d’une tragédie soumis à l’implacable de la fatalité.
L’union de ces deux versions en une même pièce est percutante tant elle nous donne à voir l’intemporalité des carcans imposés par la tradition, qui tendent à transformer l’individu en héros de tragédie grecque, incapable de maitriser sa destinée. La musique aux accents dissonants reste difficile d’accès et ce manque d’harmonie pourrait déconcerter voire décourager s’il ne faisait pas aussi bien corps avec le thème abordé. La réunion de ces deux pièces est sans doute la seule union heureuse qui nous est donnée à voir.
Charlotte Finot
CCN Ballet de Lorraine sous la direction de Didier Deschamps
Les Noces Bronislava Nijinska
Mariage Tero Saarinen
Tarifs : 26,5 € / 17,5 €
Billeterie : 04 74 68 02 89
Décines le 27 mars (le Toboggan)
Villefranche le 31 mars(le Théâtre)
Echirolles le 2avril (la Rampe)
Armentières le 9 avril (le Vivat)
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