La Trafiquante à la Maison de la poésie : mais que trafique-t-elle au juste ?
Le pari est forcément risqué lorsqu’il s’agit de séduire en poésie des enfants pour lesquels l’apprentissage de la parole n’est pas si loin… Et pourtant, la poésie devrait être le moyen par excellence d’une approche artiste, ludique et musicale du langage. Dans La Trafiquante, les poèmes de Rouzeau, Norac, Roubaud, Pittau et Kaplan semblaient finement choisis, mélange de mots en tension légère, juste entre ce qu’il faut de figuratif et d’abstrait pour accrocher puis laisser imaginer l’enfant. Alors pourquoi sort-on déçu de ce moment de poésie pour nos petits ?
La prestation de Laura Bruhl est loin d’être nulle et non avenue, pourtant elle semble inappropriée, inadaptée et à la poésie, et aux enfants. Beaucoup de convictions dans le bleu intense de ses yeux, beaucoup de visages pour nombre de mots, et l’on déplore qu’une trop grande intensité prenne sur la poésie, et la détrône, injustement. Les mots défilent à une vitesse que l’on peine à suivre, et l’on se perd en plus à regarder un jeu corporel qui nous en décroche. Quel dommage quand la poésie devrait être semée de respirations, de silences qui nous permettent de la suivre, de la sourire et de la rêver.
On aime pourtant certains éléments dans la mise en scène de Bérangère Vantusso, éléments qui auraient pu _dû_ être percutants. On aime que Laura Bruhl aillent tirer la poésie de boîtes illustrées. Le geste est beau : l’actrice ouvre une boîte, allant comme libérer les mots pour les enfiler sur la scène avant de les y renfermer, pour se tourner vers d’autres boîtes qui sont autant de nouveaux poèmes. On se réjouit au sommet du spectacle, que de l’une de ces boîtes émergent des animaux figurés par de simples cailloux, des cailloux à l’image de ceux que les enfants se plaisent à ramasser. A ce moment là, on se dit même que l’on a failli capter petits et grands et l’on se demande pourquoi ce moment vient si tard. Pourquoi ne pas avoir fait vivre davantage la marionnette, ou encore les papiers et ciseaux sortis des boîtes précédentes ?
Avec La Trafiquante, on sent bien que l’on est passé à côté d’un très joli spectacle qui aurait pu éveiller nos enfants à l’art poétique. Reste que l’on est passé à côté. Tout va bien trop vite, et tout est trop trafiqué, trop joué pour sauver notre attention d’adulte. Imaginez ce qu’il en est de l’attention d’un enfant de six ans, et même fils d’enseignant !… Ce spectacle s’est leurré contre l’âge tendre et n’a pas eu la force de séduire au-delà ; N’y emmenez pas vos enfants pour une initiation à la poésie.
Christine Sanchez
N.B : en lien avec le spectacle, l’exposition « Papa, maman, j’ai rencontré un poète vivant ».
Jusqu’au 1er mars : Lundi, mercredi, jeudi à 14h30 (relâche exceptionnelle le 18 février), samedi et dimanche à 15h
Du 2 au 15 mars : Mercredi à 14h30, samedi et dimanche à 15h
Tarif : 5€ enfant, 10€ adulte
Réservations : 01 44 54 53 00 (du mardi au samedi de 14h à 18h)
Maison de la Poésie
Passage Molière
157, rue Saint Martin
75003 Paris
M° Rambuteau – RER Les Halles
Articles liés
“Les Imitatueurs” à retrouver au Théâtre des Deux Ânes
Tout le monde en prend pour son grade, à commencer par le couple Macron dans un sketch désormais culte, sans oublier Mélenchon, Le Pen, les médias (Laurent Ruquier & Léa Salamé, CNews…), le cinéma, la chanson française (Goldman, Sanson,...
La danseuse étoile Marie-Agnès Gillot dans “For Gods Only” au Théâtre du Rond Point
Le chorégraphe Olivier Dubois répond une nouvelle fois à l’appel du Sacre. Après l’opus conçu pour Germaine Acogny en 2014, il poursuit, avec For Gods Only, sa collection de Sacre(s) du printemps qu’il confie cette fois-ci à la danseuse...
Térez Montcalm, la plus rock des chanteuses de jazz, en concert à Paris au Café de la Danse
Térez Montcalm est une figure incontournable de la scène jazz canadienne, reconnue pour son talent vocal exceptionnel et son approche novatrice de la musique. Née à Montréal, cette artiste a su s’imposer grâce à une voix puissante et expressive,...