Magnifique « Kroum » au TGP avec des comédiens russes éblouissants
C’est un spectacle fort en humanité, formidablement interprété qui se joue durant dix jours au Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis avec 12 comédiens et un musicien du Théâtre Alexandrinski de Saint-Petersbourg. Une comédie colorée à l’humour noir, montée comme une comédie à l’italienne, qui dépeint des hommes et des femmes à la dérive de leurs désirs avec beaucoup de tendresse et un jeu d’acteurs totalement captivant !
Comédie avec deux mariages et deux enterrements
Hanokh Levin, mort prématurément en 1999, est actuellement l’auteur de théâtre israélien le plus intéressant par la force de son écriture traduite dans le monde entier. Originale, dérangeante, provocante et en même temps terriblement poétique et burlesque, sa prose décrit des gens ordinaires, nourris aux rêves et aux clichés de leur milieu, tendus comme des archers vers leur cible, mais qui la ratent en permanence. Ratés de l’existence, célibataires en manque de femme, épouses en manque de tendresse conjugale, fils étouffés par leur mère, filles étouffées par leur père, ces « microbes » de l’humanité qui cherchent ailleurs ce qu’ils n’ont pas chez eux en voyageant loin, en réussissant des diplômes, en voulant « tout » tout de suite, ce sont nous-mêmes. Levin sait de quoi il parle, attaquant ainsi par le rire tous les piliers des sociétés occidentales, des traditions du mariage à la réussite financière.
Une mise en scène remarquable
Quel bonheur que cette scénographie à la Georges Pérec qui place les personnages, dans leurs mini-appartements d’un immeuble posé tout d’un bloc face aux spectateurs ! Colorés comme des cubes à jouer, éclairés lorsque les personnages s’animent, ces espaces enfantins jouent merveilleusement sur les différentes échelles de la société, ville, communauté, famille, couple, autant de cadres scéniques dans lesquels se heurtent en permanence les personnages de cette fable. Voici Kroum (Vitali Kovalenko), casquette vissée sur le crâne, jogging mou, de retour au pays, à 38 ans, sans épouse, au grand dam de sa mère juive inoxydable (Marina Roslova); Shkitt le taciturne (Ivan Efremov) plus philosophe que Trouda la bougeotte (Vassilia Alexéeva); Doupa la godiche (Yulia Martchenko), grande rousse alanguie et stupide qui séduit Tougati l’affligé (Dmitri Lyssenkov) dans son chemin de croix vers la mort.
Une délicatesse infinie
Tous, du couple Félicia et et Dulcé, inséparables prédateurs de buffets dans les mariages et les bar-mitsvahs, en passant par la Tourterelle Tswita et son Bertoldo impayables, au docteur Schibeugen, promènent leur dégaine acrobatique, comique ou terrifiante à travers des situations où le banal le dispute au tragique, le quotidien à la métaphysique de l’existence. Au lieu de surligner le burlesque d’un trait épais, Jean Bellorini dirige ses comédiens avec beaucoup de finesse, de légèreté, leur laissant une bulle de créativité très personnelle. Aucune hystérie, aucune vulgarité, mais au contraire des scènettes dessinées à la sanguine d’une bande dessinée, flirtant du côté de la comédie réaliste italienne ou des vieux Woody Allen. Le travail est totalement choral, les costumes acidulés de Macha Makeïeff et la musique, jouée au piano et à l’accordéon, donnent au spectacle une respiration délicate et rafraîchissante. Un spectacle d’une totale intelligence, à ne pas rater.
Hélène Kuttner
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