Kings of war : la compil des rois shakespeariens à Chaillot
Kings of war D’après Shakespeare Mise en scène de Avec Kitty Courbois, Hélène Devos, Fred Goessens, Janni Goslinga, Aus Greidanus jr., Robert de Hoog, Hans Kesting, Hugo Koolschijn, Ramsey Nasr, Chris Nietvelt, Alwin Pulinckx, Bart Slegers, Eelco Smits, Harm Duco Schut (comédiens), Steve Dugardin(contre-ténor), BL!NDMAN [brass] : Konstantin Koev, Daniel Quiles Cascant, Daniel Ruibal Ortigueira, Alain Pire, Max Van den Brand et Charlotte Van Passen Jusqu’au 31 janvier 2016 Du mardi au samedi à 19h Tarifs : de 8€ à 39€ Réservation en ligne Durée : 4h30 avec entracte Théâtre National de Chaillot |
Jusqu’au 31 janvier 2016
Avec une maestria scénique qui fait fureur dans le monde entier, le Flamand Ivo Von Hove et sa troupe le Toneelgroep d’Amsterdam dresse trois portraits des rois les plus guerriers de Shakespeare en cinémascope sur la scène immense de Chaillot durant dix jours. Laboratoire des passions humaines Ce sont les passions folles, les égarements irrationnels, les dérives furieuses qui passionnent Ivo Von Hove, star du théâtre mondial révélé à Paris avec « Antigone » au Théâtre de la Ville avec Juliette Binoche et « Vu du pont » à l’Odéon avec Charles Berling. Du bout de leurs obsessions et de leurs névroses, il les observe à la loupe de ses caméras vidéos ou dans la chambres de leurs folies, ces rois du monde que sont ici Henri V, Henri VI et Richard III, évoluant dans l’univers contemporain de bureaux de la Guerre Froide ou dans un bunker stalinien (décor et lumières de Jan Versweyld) Grâce à l’adaptation fulgurante et efficace de Bart van den Eynde de la version traduite par Rob Klinkenberg, ces trois garçons nous invitent, avec femmes et enfants, amis, ennemis et traîtres, à pénétrer dans leurs cerveaux et à plonger dans leurs rêves. Antichambres, couloirs aseptisés et trompettes de fanfare Ce qu’il y a de passionnant dans ce spectacle de plus de quatre heures, durant lequel on ne s’ennuie pas une minute, c’est la manière dont toutes les séquences s’enchaînent, la fluidité de circulation entre les différents espaces au moyen de caméras qui poursuivent les personnages à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace du décor visible. L’objectif numérisé traque l’intime des êtres et des chairs, sans les lâcher, à la manière d’un entomologiste qui observe des insectes géants et dévorants. Henri V d’abord, beau gosse de film américain qui développe une stratégie d’une maturité exceptionnelle en balayant les troupes normandes à Azincourt. Jeune, diplomate, redoutable, ce politique ira jusqu’au bout de ses ambitions pour sauver l’Angleterre et ses territoires. Ramsey Nasr en donne une interprétation fiévreuse. Henri VI et Richard III : dangereuse dérive Avec Henri VI, c’est la déconfiture d’un enfant condamné à la couronne, noyé dans un bénitier de chrétienté et qui va perdre tout un royaume à force de peur et de couardise. Eelco Smits, lunettes immenses et silhouette d’adolescent maigrichon et boutonneux, en offre une sidérante interprétation, fébrile et terrorisée, happée par des barons et des femmes prédatrices. Le ver est dans le fruit, et Richard III, mauvais garçon boiteux grandi trop vite dans ses pantalons trop courts, va vite prendre le relais et plonger son pays dans le sang et dans le feu. Avec sa méchante tâche de vin qui lui déforme le visage, Hans Kesting arpente le long plateau de Chaillot avec la suavité perverse des laids en quête de reconnaissance, prêts à tout pour exister enfin aux yeux des autres. La patrie, la politique, la guerre ne l’intéressent aucunement. Trop grand dans une âme condamnée trop tôt, il sape tous les fondements de la morale et de la bienséance, tuant ou égorgeant tranquillement ceux qui le gênent, femmes ou enfants, pour asseoir son autorité de dictateur de pacotille. L’acteur est prodigieux de simplicité et d’évidence monstrueuse, seul face à son miroir, ou tournoyant tel un cheval dans son bunker teinté de rouge en quête d’action. Ce tyran en manque d’amour, inconscient de ses actes, est une figure théâtrale dont on se souviendra longtemps. Mais il faut avouer que les quinze comédiens du spectacle, ainsi que les quatre musiciens, sont tous remarquables dans ce très fort spectacle. Hélène Kuttner [Crédit Photos : © Jan Versweyveld] |
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...