Honneur à Notre Élue ou la politique comme une divinité monstrueuse
Honneur à Notre Élue De Marie NDiaye Mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia Avec Isabelle Carré, Patrick Chesnais, Jean-Charles Clichet, Claire Cochez, Romain Cottard, Jan Hammenecker, Jean-Paul Muel, Chantal Neuwirth, Agnès Pontier et Christelle Tual Du mardi au samedi à 21h, dimanche à 15h Tarifs : de 12 à 38 € Réservation en ligne Durée : 1h50 Théâtre du Rond-Point M° Franklin D. Roosevelt |
Au Théâtre du Rond-Point, Frédéric Bélier-Garcia, patron du Quai à Angers, met en scène l’une des dernières pièces de Marie NDiaye qui plonge dans les bas-fonds du monde politique. Pas question, comme le suggère notre actualité, de céder à la facilité du “tous pourris”, mais plutôt de disséquer les travers d’une dévotion béate à un élu, ainsi que la dépendance des opposants au jeu politique. Isabelle Carré, hiératique, et Patrick Chesnais, impuissant, sont les deux héros de cette fable qui décode les codes du politiquement correct.
Mais que reprocher à “Notre Élue” ? Isabelle Carré, diaphane, en tailleur blanc immaculé et perchée sur ses talons aiguilles, gère de main de maître les ouailles de sa petite ville portuaire. Attentive à tous, d’un calme olympien, d’une bonté virginale, elle développe à l’égard de chacun une compassion évangélique qui fait frémir dans le camp adverse. Le représentant de ce dernier, “l’Opposant”, qu’incarne Patrick Chesnais, vient de se faire une nouvelle fois battre dans cette élection municipale par cette amazone de la Justice. Le voilà, devant nous, qui rumine sa jalousie et son impuissance, avec son compère Sachs (Jean-Charles Clichet), en regardant les images télévisées de la victoire adverse. Lui restera éternellement le conseiller municipal, alors qu’elle, “Notre Élue” restera maire de la ville. La pièce de Marie NDiaye radiographie les jeux de rôles et la fascination paralysante que l’on développe à l’égard de nos élus politiques. Jaloux, impuissant, mais avant tout admiratif de sa concurrente, “l’Opposant” va sauter sur la moindre fuite, la moindre trahison pour déstabiliser sa souveraine Élue dont il paraît secrètement amoureux. Jusqu’à lui envoyer chez elle, dans sa famille, un couple de personnes âgées (Chantal Neuwirth et Jean-Paul Muel) qui se font passer pour ses propres parents, se conduisant de manière abjecte et diffusant l’infâme rumeur d’une maltraitance de l’Élue à l’égard de parents qu’elle aurait dissimulés. En même temps, Madame le Maire perd son plus ardent soutien en la personne d’Eva, assistante aux mensurations de mannequin scandinave (Christelle Tual) qui fuit vers “l’Opposant” célibataire tout en restant fidèle à l’Élue, pour équilibrer l’opposition et combler la faillite adverse. Triste paysage de campagne que cette pauvreté d’idées neuves, noyées dans les frustrations et les fantasmes de chacun. Quand nous demandons trop à nos politiques, et que l’affectif prend la place de tout le reste, alors il ne nous reste que peu de discernement pour faire la part du mensonge et de la vérité. Nous transformons nos élus en icônes religieuses et nous les renversons quand ils ne coïncident plus avec ce que nous pensons. Sur le grand plateau de la Salle Renaud Barrault, devant d’immenses tapisseries d’Aubusson, des écrans géants ou des chœurs d’enfants, décor traditionnel des salles de réunion des mairies, les personnages plus vrais que nature n’apparaissent que mus par leur propre intérêt. Seule Isabelle Carré, “Notre Élue”, choisit de s’abstraire du jeu social dans une attitude d’impassibilité en héroïne hitchcockienne. Sacrifice qui nous laisse quelque peu sur notre faim. Hélène Kuttner [Photos © Pascal Victor] |
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