« Bigre », bigrement burlesque
Bigre De Pierre Guillois Coécriture et Du 26 mai au 30 juillet 2016 Du mardi au samedi à 20h30 Tarifs : de 11 à 39 € Réservation en ligne ou par tél. au Durée : 1h30 Théâtre Tristan Bernard Reprise de la création récente au Rond-Point ( du 5 au 17 janvier 2016) |
Du 26 mai au 30 juillet 2016
Sur scène, trois minuscules chambres de bonne sous les toits. Comme des boîtes, elles sont collées les unes aux autres avec toilettes sur le palier. Et c’est parti pour un spectacle où trois voisins, deux hommes et une femme, font rire non sans émotion toute la salle. En chacune de ces studettes de quelques mètres carrés habite un personnage traversant tant bien que mal les ennuis de la vie, tâchant de vaincre la solitude et de s’amuser malgré tout. La première chambre est entièrement blanche, aseptisée et nue, avec vide-ordures automatique et sanibroyeur intégré. Son occupant, interprété par Olivier Martin-Salvan, est un maniaque de la propreté, tendance dépressif, qui se divertit en chantant tristement de la variété française avec une machine à karaoké high-tech, et ce, dans une langue loufoque inconnue. Son voisin direct, interprété par Pierre Guillois, est à l’inverse du premier un jeune homme maigre et blond qui aime se préparer des petits plats et qui a envahi sa chambre d’un joyeux bazar où s’empilent les courses, la lessive, même une cage pour élever un lapin, tous les objets nécessaires au quotidien comme s’il habitait une maison, le tout avec un hamac pour s’inventer un lieu d’évasion malgré le capharnaüm. Enfin, la dernière est une petite bonbonnière qu’occupe bien sûr une jeune femme, interprétée par Agathe L’Huillier. Elle attend le prince charmant en sa chambrette rose, coquette et douillette malgré l’infime surface et elle est toujours prête à mettre une musique romantique au cas où surgirait l’homme de sa vie. Déglingué, ce trio quasi-muet nous inonde de joie et d’un comique loufoque tonifiant, qui a l’art de nous rendre confiants quant au voisinage trés serré. Ces locataires sont des représentants touchants de la vie urbaine avec ses tristesses humaines, notamment l’isolement dans des conditions de vie difficiles. Leur promiscuité est celle des citadins qui ne sont pas des bobos. Leur condition de vie plus que modeste devient le théâtre des vraies existences contemporaines qui se débattent entre espoir et désespoir, secouées de petites et grandes joies, de peines et d’emmerdes, de mille petits tracas du quotidien, d’envies de bonheur et d’amour malgré la grisaille due aux difficultés matérielles, au manque de confort et d’espace. La grande et formidable surprise, c’est que, dans l’univers créé par l’inventif Pierre Guillois, ces trois jeunes deviennent à la fois mélo et burlesques, interprétés avec un style hilarant, fait de pantomime, de gags en chaîne, de mille trouvailles de situation et de jeux, de gestuelle fantaisiste et d’une économie de parole alliée à une exagération de mouvement savoureuse et extrêmement drôle. On connaissait déjà la folle et pertinente créativité de Pierre Guillois qui a présenté entre autres au Rond-Point Les Caissières sont moches et Le Gros, la vache et le mainate. Il ne fait pas dans la dentelle, il suscite de larges rires francs en s’emparant de la réalité et en la passant au tamis de l’impertinence pétillante et d’une insolence bienfaisante. Incorrect politiquement et généreux, il s’inspire des êtres que l’on voit peu sur scène ou au cinéma, trouvant dans le quotidien des “vrais gens” de quoi créer des personnages hauts en couleur et en intelligence, sincères et poétiques. Ses personnages clownesques cherchent l’amour, ils se croisent et s’affrontent, évoquent dans la loufoquerie les tourments du couple, les lassitudes et les envolées du désir. En voisins de palier, ils se rendent service, ils organisent quelques fêtes et chantent, dansent, rêvent, hurlent et finalement dépassent ce qui pourrait être un tas de misères préférant savourer le piment de chaque jour. Ils cherchent le sens de leur vie et il est décidément bien caché, mais grâce à Pierre Guillois et ces formidables coéquipiers, on peut espérer qu’il est sûrement quelque part dans les interstices d’une cohabitation folledingue et solidaire. Émilie Darlier [Photos © Pascal Perennec] |
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