Avignon 17, quatrième épisode : les perles du Off
Festival Off d’Avignon 2017 Du 7 au 30 juillet 2017 De Marine Bachelot Nguyen Manufacture à 13h10 Réservation en ligne ou par tél. 04 90 85 12 71 La vie sans chiffres De Olivier Dutaillis Théâtre du Petit Chien à 15h40 Réservation en ligne ou par tél. au 04 90 85 89 49 Pour un oui ou pour un non De Nathalie Sarraute Théâtre de la Porte St Michel à 11h Réservation en ligne ou par tél. au 04 80 43 01 79 www.theatreportestmichel.wixsite.com Retour à Reims De Didier Eribon Théâtre des Lucioles à 12h Réservation par tél. au 04 90 14 05 51 L’étrange destin de M. et Mme Wallace de Jean-Louis Bourdon Théâtre du Girasole à 18h35 Réservation en ligne ou par tél. au 04 90 82 74 42 En attendant Bojangles De Olivier Bourdeaut Théâtre La Luna à 12h45 Puis reprise à la Pépinière Théâtre à Paris Réservation en ligne ou par tél. au 04 90 86 96 28 |
Du 7 au 30 juillet 2017
Avec plus de 1000 spectacles, le Festival Off est une jungle foisonnante dans laquelle les compagnies les plus solides le disputent à de jeunes artistes. Chapelles, écoles, jardins, théâtres climatisés, le théâtre est partout dans la cité des Papes, on y joue et on y parade aussi beaucoup dans les rues. Et les passionnés, en famille ou en groupe, se massent sur les trottoirs pour un one-man show, un Molière ou une création contemporaine. Pour vous guider, nous avons sélectionné quelques perles à ne pas rater. « Le fils » : un monologue d’une brûlante actualité Sur le tapis rond, un clavecin de bois blond trône. Devant nous, une femme, silhouette longiligne, en jean et chemise bleue, vient nous parler. De sa famille et des garçons qu’elle a élevés, de la pharmacie qu’elle exerce sérieusement et qui l’accupe toute la journée, de son mari qui va à la messe tous les dimanches. La famille habite en Bretagne dans la banlieue de Rennes, l’ambiance est sage, bourgeoise, sans accroc. Pourtant, dans le récit que va nous faire Cathy, qu’interprète de manière saisissante Emmanuelle Hiron dans la mise en scène de David Gauchard, un grain de sable, plutôt massif, terrible, va venir enrayer la parfaite mécanique familiale. C’est que les garcons grandissent, et que Cathy doit se donner d’autres missions à accomplir. Un glissement vers les milieux catholiques traditionalistes, une participation à la Manif pour tous et voilà notre pharmacienne rangée saisie par les cris de haine à l’égard des homosexuels et la défense de la famille chrétienne. Le texte de Marine Bachelot Nguyen et l’incarnation magnifique de la comédienne font de ce spectacle un petit bijou. « La vie sans chiffres » : un monde idéal Anna (Joëlle Seranne) est flûtiste. dans un orchestre mais un beau jour, le trac la saisit, l’angoisse l’étreint : plus un son ne sort de sa flûte, et les mesures que l’impérieux chef lui ordonne de travailler partent en fumée dans son cerveau. Panique, horreur, sa rage se manifeste d’abord contre les chiffres, les centaines de mesures de sa partition, mais aussi les créances à payer, les numéros codés censés décoder notre monde virtuel, les algorithmes interplanétaires qui nous gouvernent. Elle se retrouve donc avec un séduisant et ténébreux psychiatre, qui la met au vert dans une institution chargée de traiter ces genres de névroses. Cleptomanie, nymphomanie, schizophrénie et mathématopathie. Cette création est signée Olivier Dutaillis, qui met en scène son propre texte, adapté du roman paru chez Albin Michel. Avec beaucoup de grâce et de naturel, la comédienne Joëlle Séranne donne vie à ce personnage qui va quand même décider de séquestrer, d’attacher au radiateur son ancienne professeur de mathématiques pour se venger des humiliations subies à l’adolescence. Des projections d’images et une création musicale structurent ce voyage dans les étoiles d’un monde idéal. C’est drôle, malicieux, poétique et subtil, et cela fait du bien. « Pour un oui ou pour un non »: un classique très actuel C’est un classique de Nathalie Sarraute qui est repris en ce moment dans un petit théâtre, avec deux jeunes comédiens formidables qui parviennent, dans une scénographie succincte et des lumières très travaillées, à nous faire entendre ce formidable texte au plus profond de notre conscience. On connait l’histoire. Deux amis de longue date se retrouvent autour d’un verre de whisky pour éclaircir les raisons de leur éloignement récent. Pourquoi l’un s’est-il terré dans un silence assourdissant, alors que ces deux là étaient complices comme des frères ? Que s’est il passé ? Au fil de dialogues vifs, de répliques rapides, de questions qui font mouche et de réponses esquivées, l’auteur ausculte les différentes strates de la mémoire et de l’amour propre, de l’ambition et de la conscience de soi. Un mot prononcé, une intonation, un geste exprimé à l’égard de l’autre, et c’est une amitié qui peut s’effondrer, faisant apparaître deux mondes irréconciliables séparés par un mur infranchissable. Romain Arnaud-Kneisky et Arthur Schmidt-Gézénnec campent le flamboyant ami, costard seyant et chemise blanche, face au « raté », celui qui campe sur les rives brumeuses du doute, de la poésie et de Paul Verlaine. Dirigés par Bruno Dairou, ils parviennent à nous toucher au plus profond par la force intime de leurs échanges. « Retour à Reims » : étrangers dans une même famille L’acteur et metteur en scène Laurent Hattat adapte avec maestria le livre choc du sociologue Didier Eribon, un témoignage poignant sur son retour dans sa ville natale, Reims. Dans une scénographie épurée au maximum, une petite valise débordant de photos de famille, une table et une chaise pour figurer l’univers maternel, Laurent Hattat, costume soigné, silhouette élégante, incarne le fils, celui qui au terme de brillantes études universitaires et d’un parcours brillant, revient sur les lieux de ses origines sociales, après la mort de son père dont il n’a même pas assisté à l’enterrement. La mère, jouée magnifiquement par Sylvie Debrun, est femme de ménage. Le spectacle est donc construit comme une plongée dans les origines avec tout ce que cela charrie de ressentiment, de haine, de honte et d’incompréhension vis à vis d’un milieu que le sociologue a rejeté pour se construire, exister. Le milieu ouvrier de son père, l’usine et les ménages pour sa mère, la voie professionnelle pour son frère mais le bac général et la bibliothèque pour lui, bien décidé à couper les ponts avec sa famille dès lors qu’il fréquentera les milieux intellectuels et journalistiques parisiens. C’est cette élite intellectuelle et journalistique, notamment le journal Libération, qui lui permettra aussi d’affirmer son homosexualité que ni son père, ni sa mère ne peuvent accepter. Il faut entendre ces mots, cette confession profondément intime d’un fils devant sa mère, face à nous. Entendre comment, à l’instar de Bourdieu, la reproduction sociale, culturelle, politique, opère encore aujourd’hui dans tous les milieux et comment on peut devenir étrangers dans une même famille. “L’Etrange destin de M. et Mme Wallace” : fâcheuse rencontre Quand on est membre du Ku-Klux-Klan, fidèle à des rencontres hebdomadaires entre camarades qui partagent les mêmes idées, racisme radical, défense du « WASP » (White Anglo-Saxon Protestant) et chasse aux Noirs et aux Hispanos qui viennent gangrener la société américaine, on n’accepte pas l’idée d’adopter une petite fille noire. C’est pourtant ce qui pend au nez de John Wallace quand il apprend de la bouche de sa femme Nicole qu’elle vient de trouver un bébé noir dans leur poubelle. Pas question pour Nicole, en manque d’amour, en manque d’enfant, en manque de raison de vivre, de renoncer à un si beau cadeau… tombé du Ciel! Dieu lui a envoyé un enfant, elle en a déjà perdu un, et ce n’est pas la colère de John, ses interdictions, sa fureur enflammée par les verres de whisky qui vont lui faire changer d’avis. Jean-Louis Bourdon a écrit une pièce efficace et forte sur le racisme ordinaire en Amérique profonde, sous le gouvernement de Barack Obama. Dans la mise en scène de Marion Bierry, Marianne Epin, boule de nerfs et d’amour, perchée sur des sandales compensées vert pomme, donne au personnage de Nicole une dimension humaine magistrale. A ses côtés, le bouillant Bernard Menez campe un « beauf » raciste mais touchant, et Gilles-Vincent Kapps, qui signe aussi la musique, un beau frère à l’égoïsme ravageur. “En attendant Bojangles” : trois comédiens en or pour une histoire d’amour fou Certains romans n’attendent qu’â être adaptés sur une scène. L’histoire de «En attendant Bojangles » est d’abord celle d’un jeune auteur, Olivier Bourdeaut, qui a vu son premier roman édité dans une bonne maison de Bordeaux, Finitude, consacré par 3 prix littéraires successifs (le prix des Etudiants France Culture/Télérama, le prix RTL/lire et le prix France Télévisions. 350 000 lecteurs ont déjà lu le roman dont l’univers fantaisiste, décalé, poétique et tendre, bercé par la chanson et la voix grave de Nina Simone « Bojangles » évoque l’Amérique des années trente, celle de Fitzgerald et de « Tendre est la Nuit ». Victoire Berger-Perrin a eu l’excellente idée d’adapter l’histoire et de mettre en scène ce trio de personnages originaux et imprévisibles avec trois excellents comédiens, Anne Charrier qui joue la mère, Didier Brice le père et Victor Boulenger le fils. Dans de belles lumières de Stéphane Bacquet et des costumes de Virginie Houdinière, ils incarnent avec bonheur cette petite famille qui vit au rythme de la douce folie de Madame, dont le tempérament rêveur et explosif propulse les deux autres dans des voyages imaginaires et réels sans que l’école, inutile, ou les obligations professionnelles, anecdotiques, ne viennent perturber le cours. Mademoiselle Superfétatoire, l’oiseau exotique qui vole dans l’appartement, participe de ce tourbillon de joie, de vie et de chimères. On ne vous racontera pas la suite, c’est délicieusement interprété et propulse les spectateurs dans une bulle de rêve et de tendresse. Hélène Kuttner A découvrir sur Artistik Rezo : [Crédits Photos : © Evelyne Desaux / Simon Gosselin/ Thierry Laporte Unijambiste Cie/ Karine Letellier] |
Articles liés
Découvrez le seul-en-scène “Florence 1990” à La Petite Croisée des Chemins
18 novembre 1990. Florence Arthaud arrive dans le port de Pointe-à-Pitre à la barre de son trimaran et remporte la Route du Rhum, première femme à s’imposer dans une course en solitaire. Adolescent, je suis alors fasciné par cette...
Bananagun dévoile leur nouveau single “With the Night” extrait de leur nouvel album à paraître
Bananagun, originaire de Melbourne, partage “With the Night”, extrait de leur deuxième album “Why is the Colour of the Sky ?”, dont la sortie est prévue le 8 novembre via Full Time Hobby. Ce single au piano reflète le...
“Nadia Léger. Une femme d’avant-garde” au Musée Maillol : une exposition à ne pas manquer !
Nadia Khodossievitch-Léger (1904-1982) a été une figure de l’art du XXe siècle. À travers plus de 150 œuvres, la rétrospective Nadia Léger. Une femme d’avant-garde retrace le parcours largement méconnu de cette femme d’exception, tout à la fois peintre prolifique, éditrice...