Catherine Frot : « Je préfère l’excès au moyen »
Elle est l’une des actrices préférées des Français. Populaire et décalée. On la retrouve dans Marguerite, de Xavier Giannoli au festival de Cannes 2015. Catherine Frot y incarne une riche chanteuse d’opéra qui chante faux. Artistik Rezo l’avait rencontré lors de la sortie d‘Imogène McCarthery, une comédie familiale et légèreque. Une rencontre débridée avec une fausse sage !
Sage comme une image ? Pas si sûr… D’accord, ses petits cardigans de bourgeoise décalée parent joliment sa gouaille gentille, un rien désuète. Aussi bien sur grand écran qu’au naturel, d’ailleurs. Une simplicité de bon aloi, qui a su l’imposer, doucement mais sûrement, comme l’une des comédiennes les plus appréciées par le public français. Reste que l’éclectisme de ses rôles, aux frontières du burlesque et du tragique, comme sa réserve légendaire en interview, suggèrent, eux, un tempérament probablement plus marqué. Un élan, hors champ, qu’elle concède volontiers… si l’on s’avise d’insister : je préfère l’excès au moyen !, sourit-elle d’un air gourmand, celui qui rappelle les bêtises un peu folles de l’enfance. Nul hasard, de fait, si l’on retrouve Catherine Frot dans une comédie « écossaise » premier degré. L’esprit du Loch, imprévisible et facétieux, lui va bien ! Privilégiant le jeu, le gag façon BD, à travers une silhouette forte, à la fois sexy et clownesque, Imogène McCarthery, premier long métrage d’Alexandre Charlot et Franck Magnier, lui donne l’occasion de pousser plus avant le trait quasi graphique de ses compositions. Même si le film, sympathique et soigné, pâtit malgré tout d’une trop grande retenue, n’osant pas complètement disjoncter, cette rousse héroïne, fameux personnage créé par Exbrayat, est carrément du pain bénit pour la comédienne.« J’aime les choses très dessinées en comédie », confirme-t-elle. « Malheureusement, il n’y a pas toujours de la place pour ça en France. En général, on fait plutôt des films chorale, qui lissent les personnages, et je n’y trouve pas mon compte… C’est une des raisons pour lesquelles, même si je lis beaucoup de scénarios, je dis d’abord non ! Et puis aussi parce que j’aimerais ne plus tourner qu’un film par an… ». Rien à voir avec une quelconque lassitude, non, non ! Forte de son allure intemporelle, et de sa silhouette quasi adolescente, l’on oublie parfois que la fine Catherine a démarré sa carrière dans les années 80 (premier petit rôle dans Mon oncle d’Amérique, d’Alain Resnais, en 1980), gravissant tranquillement les échelons de la gloire, avant de connaître le succès – public et médiatique – en 1996 avec Un air de famille (pièce de théâtre réjouissante signée Jaoui-Bacri, puis film piquant réalisé par Cédric Klapisch). César du meilleur second rôle féminin à la clé. Certes, la reconnaissance peut sembler progressive – elle a fait néanmoins beaucoup de théâtre alors, notamment avec Peter Brook – sinon tardive, mais elle la savoure toujours, avec ce détachement si doux, quoique impénétrable ! Ne serait-ce point à cette époque, d’ailleurs, qu’elle oppose aux aléas bruyants, déstabilisants, de ce métier, cette image apparemment si sage ? Comme pour mieux se préserver ? Yolande, etc. C’est là, en tout cas, avec le rôle épatant de Yoyo, qu’elle pose les jalons des nombreux personnages de femmes naïves, un peu coincées, somme toute assez normales, qui vont l’accompagner désormais.« C’est vrai qu’il y a un lien entre Yolande, puis la fille des Sœurs fâchées, puis Odette Toulemonde, que j’aime d’ailleurs beaucoup, et aujourd’hui Imogène », s’amuse-t-elle. « Elles ont toutes une forme de candeur brute». Mais Catherine Frot étant, décidément, un être plus intranquille, plus complexe qu’il n’y parait, c’est aussi à cette époque qu’elle choisit, entre deux « cartons » au box-office (Le Dîner de cons, Chouchou), d’aller faire un tour du côté, stimulant, du cinéma d’auteur. Grave et captivant (la sombre trilogie de Lucas Belvaux, en 2002 et 2003), ironique et transgressif (les deux adaptations d’Agatha Christie signées Pascal Thomas, avec lequel elle décroche son premier grand rôle au cinéma, dans la formidable Dilettante). Bonne pioche : son capital sympathie auprès des spectateurs, inaltérable lui aussi, transforme ces essais en vrais succès d’estime, voire plus si affinités. Du coup, aujourd’hui, elle fait partie des actrices sur lesquelles on peut « monter un film », sans que cela ne la démonte pour autant ! Ni ne la change tout à fait. Ainsi, tandis que l’on évoque, ça et là autour d’elle, une suite d’Imogène, avant même que le premier volet ne soit sorti en salle, elle rétorque, farouche : « faut voir, on en parle… Les gens veulent toujours faire du commerce… Moi pas ». Retrouvant, dans cette distance impeccable la même audace, paisible mais déterminée, qui lui fit refuser, toute jeune, d’entrer à la Comédie française pour mieux explorer fantaisie et modernité au sein de la Compagnie du Chapeau rouge (également fréquentée par Jean-Pierre Darroussin). Nichant au sein de cette joyeuse troupe, au fond, toutes les raisons idéales qui l’ont poussée, elle la fille d’ingénieur et de prof de maths, à choisir, très tôt, ces bien inattendus feux de la rampe. Notamment son goût du masque. Et du collectif. Ceux-là même qui la protègent et la soulèvent en même temps. Ou…. qui l’empêchent, peut-être, de s’exposer tout à fait. D’ailleurs, elle, si peu prolixe, n’en parle jamais aussi bien qu’à travers l’un de ses partenaires de jeu. Lambert Wilson, également au casting d’Imogène : « ce qui nous rapproche, c’est qu’il se transforme facilement. Il a un physique à la fois doux et dur. Il trafique des trucs, mais au fond, il est très stylisé naturellement. Moi aussi, j’aime bien le déguisement ». Pas si sage, en effet, la belle et… changeante image ! Ariane Allard |
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