Ophélie Bazillou et Céline Espérin – les criminelles des marais
L’une est blonde, espiègle et joueuse, l’autre châtain, calme et posée. Leurs différences rappellent celles qui opposent leurs personnages dans Les Marais Criminels, Juillette et Axelle. Quatre femmes pour seulement deux enveloppes charnelles et le métier d’actrice prend tout son sens. Passionnées par le théâtre et la scène, Ophélie Bazillou et Céline Espérin n’en sont pas à leur coup d’essai. Avant leur rencontre avec Alexandre Messina, le réalisateur des Marais Criminels, elles ont exercé leur talent, sur les planches majoritairement, mais aussi pour la télévision et le cinéma. La passion de l’expression et un besoin impérieux d’exercer leur art leur ont permis de nous démontrer dans un road movie initiatique la qualité de leur implication.
Se mettre à la place d’un autre est un processus compliqué. Il s’agit de laisser place à une entité fictive qui ne demande qu’à s’incarner. Défi périlleux relevé avec brio.
Le théâtre comme un exutoire
Grande timide, Ophélie Bazillou s’est guérie de sa peur des autres grâce au théâtre. Elève de l’Ecole Stanova, c’est toute petite, en tutu et collants qu’elle a découvert ses premières sensations scéniques.
La révélation. L’envie de partager avec un public ne l’a dès lors plus quittée. La rigueur et la discipline inhérentes à la danse lui ont permis d’acquérir une connaissance parfaite de son corps. Forte de cet atout, incarner un personnage n’est pas seulement d’ordre psychologique mais aussi physique, elle se glisse dans la peau d’une autre tout en douceur. Intégralement. Avec une formation initiale basée sur l’improvisation elle a pu répondre aux attentes d’Alexandre Messina qui en réalisateur focalisé sur l’émotion primaire écrit très peu les scénarii. Elle nous propose ainsi une Juillette fragile et forte à la fois, jeune fille perdue en mal d’amour qui s’accroche à ceux qui prêtent attention à elle. La frontière entre le rôle et la réalité est ténue, on a envie de protéger l’actrice et son double tant la sensibilité semble à fleur de peau. Et toujours ce besoin de plaire, de séduire : mission réussie, on est charmé !
La passion révélée
Jeune fille dotée de parents pragmatiques, Céline Espérin a d’abord suivi une formation d’interprète avant de se lancer dans le métier de comédienne. Diplôme en poche, ayant rempli son « contrat parental », elle a commencé à exercer le métier de comédienne qui s’était révélée à elle comme une évidence. Elle a beaucoup joué au théâtre, s’est initiée à la direction, toujours avec cette envie inaltérable de créer, de construire des univers et de faire émerger de nouveaux horizons. Alexandre Messina a su voir en elle un potentiel indiscutable et lui a confié le rôle d’Axelle, jeune fille timide et discrète qui prend à bras le corps le mal-être de sa compagne de cavale. Elle nous offre dans Les Marais Criminels une interprétation souple, tout en douceur d’une écorchée vive qui ne sait plus trop où elle va mais qui, malgré l’absence de repères trouve toujours les ressources nécessaires à un renouveau. Elle a la fraîcheur d’une Katie Jarvis (Fish Tank) et le talent d’une passionnée, consciente des difficultés d’un métier basé sur le paraître. On lui souhaite encore beaucoup de beaux projets comme celui là.
Duo de femmes, duo de personnalités, Ophélie Bazillou et Céline Espérin se révèlent et se cherchent, se retrouvent pour donner aux Marais Criminels toute la force et la subtilité qui nous font espérer pour elles des carrières longues, très longues…
Ranjitha Delebecque
Quel est le premier événement artistique marquant de votre vie ?
Ophélie Bazillou : Pas d’évènement marquant. L’impression de toujours avoir vécu avec une envie de créer, de partager.
Céline Espérin : Je suis allée voir une représentation que des copains donnaient d’une pièce de Shakespeare et là : la révélation. J’ai su que c’était ce que je voulais faire de ma vie.
Existe t-il un espace qui vous inspire ?
Ophélie Bazillou : Dans le métro. J’observe beaucoup les gens. Depuis petite, j’aime jouer avec les regards et déstabiliser.
Céline Espérin : Chez mes parents, dans le Morvan et dans la nature en général. Dès lors qu’il n’y a plus de population humaine, l’esprit peut alors tout se permettre. Paris est une ville trop vivante et prenante pour que ce soit possible, les tentations et dispersions sont partout.
Quelle est votre idée de la consécration artistique ?
Ophélie Bazillou : Pouvoir travailler sans penser aux besoins matériels, effacer les limites que cela génère.
Céline Espérin : Ne plus avoir à faire des projets par nécessité, se concentrer sur ceux en accords avec soi. Etre tout à son art.
Quelles sont vos obsessions et comment nourrissent-elles votre travail ?
Ophélie Bazillou : La peur de ne pas avoir assez de temps. Pour élaborer un personnage ou créer d’autres choses. Pouvoir profiter de ce qui arrive, car tout va toujours trop vite.
Céline Espérin : Avoir de la passion pour le métier et le faire est obsédant parce qu’on n’est pas sûr de pouvoir le faire. En même temps avoir assez de recul pour pouvoir se dire que même si les projets n’affluent pas ce n’est pas grave. Etre serein est difficile dans ce métier, il faut savoir se préserver.
Propos recueillis par Ranjitha Delebecque
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