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Théo Lopez : « Ma forme d’abstraction, c’est une ré-interprétation du réel »

© Théo Lopez

Théo Lopez : « L’abstraction, c’est une traduction du réel »

www.theolopez.com

www.instagram.com/theo_lopez_artist

www.9e.net

Artiste urbain adepte de la peinture abstraite, Théo Lopez a fait ses classes au sein du collectif 9e concept. Il est aujourd’hui un artiste à part entière et partage son travail entre projets collectifs et solos shows, ici et ailleurs, sur toile ou sur mur.

Tu fais partie du collectif 9e concept. Ce n’est pas trop difficile, en tant qu’artiste, de concilier travail personnel et projets collectifs ?

J’ai découvert le 9e concept à 17 ans, et j’ai tout de suite adoré l’idée d’artistes en train de peindre devant un public. Je suis allé les rencontrer, je leur ai montré quelques dessins -je me faisais tout petit- et je suis tombé sur Romain Froquet qui a été super attentif et à l’écoute. Il a regardé mes dessins, il m’a donné quelques conseils et dit de repasser dans un mois. Un mois plus tard, sur-motivé, j’y suis retourné avec un bon paquet de croquis. Et ainsi de suite jusqu’à ce que je rencontre les trois fondateurs, et qu’ils me prennent dans le collectif.

J’ai directement attaqué les tournées Desperados, on partait en tournée dans toute la France avec des danseurs, des chanteurs, des artistes et je faisais du tatouage éphémère. C’était une super expérience, des voyages, des rencontres. Et hyper formateur au niveau du dessin, il fallait toujours inventer, se renouveler, s’adapter. Ça m’a permis de murir des idées, des projets pour la suite. Cette effervescence artistique, je me suis rendu compte que c’était vraiment ce qui me correspondait. Du coup, j’ai fait mon BTS communication visuelle en alternance avec le 9e concept.

Ils m’ont vraiment intégré au monde de l’art, et ils m’ont aidé à trouver mon propre style, ma propre expression. C’est sûr qu’il faut trouver cet équilibre entre le collectif et l’individuel. Mais j’avais bien saisi l’idée du 9e concept : des artistes indépendants qui se retrouvent sur des projets collectifs. Ce sont les collaborations avec des marques qui permettent d’investir et de monter des projets persos ou avec d’autres artistes.

Between the lines-theo lopez-art42-2016 2

Il faut avoir de l’inspiration pour créer des tatouages pendant des soirées entières ! Quel genre de dessins tu réalisais ? 

J’ai commencé, comme beaucoup, crayon à la main, à dessiner des personnages, des visages. Avec ma rencontre avec le 9e, j’ai dû passer à des choses plus abstraites, en vue des tatouages éphémères, et j’ai vite développé un grand intérêt pour les lignes et les motifs. Je faisais des masques, ce qui me permettait d’allier les visages, que je connaissais, et ce travail du motif qui m’était demandé.
Ensuite, il a fallu trouver comment m’exprimer moi-même à travers ce style. J’ai mélangé les dessins de masques et le travail de la ligne, et grâce à cette approche un peu plus déconstruite, j’ai appris à apprécier les motifs, les formes, et le travail de la couleur. C’est ça « l’école du 9e » : apprendre à se forger un style tout en s’imprégnant des expériences collectives, et savoir se renouveler.

Pourquoi avoir choisi l’abstraction ?

Le motif était déjà pour moi une forme d’abstraction. L’illustration, le figuratif étaient mes bases. Mais j’ai eu besoin de passer par cette approche de déconstruction, cette décomposition des éléments -même psychologiquement !- pour m’affranchir de la forme. En travaillant les motifs, les lignes, j’ai eu de moins en moins recours à la figuration. Depuis 2014, je me consacre totalement à l’art abstrait.
Une toile, en tant que support, c’est beaucoup de pression. Mais il faut savoir prendre du recul, recouvrir, recommencer. C’est une accumulation de couches, de recherches, ça supporte de la matière. Aujourd’hui, la toile, je la vois comme un support d’expérimentation.

Silver lining-theo lopez-art42-2016

Qu’est-ce que tu cherches à représenter dans ta peinture abstraite ?

Ce que je veux mettre en avant, c’est le cheminement plus que le travail fini. La matière, la couleur, c’est ce qui compte dans mon travail. Avant, je voulais tout raconter sur une toile. Je passais des mois sur la même toile, à la modifier, à pinailler. Je voulais tout dire d’un coup : le figuratif, la matière, la couleur, l’émotion… Maintenant, mon travail est centré sur la recherche, c’est une perpétuelle remise en question.
Je fais un mélange de couleurs, je fais dialoguer les matières, j’essaye de faire venir des dynamiques, des formes. Et ainsi, les couches s’accumulent, et le tout prend forme. J’utilise des outils différents, allant de la bombe (que j’utilise pour créer des effets, des nuances) à la peinture en passant par le modelage, jusqu’à ce que j’ai cette impression de vie. Cette présence que je ressens va me permettre de me détacher et de passer en observateur. J’aime laisser les marques des étapes de création, pour mettre en lumière le passé, les chimères de la création.

Quel est le point de départ d’une œuvre ?

En général, c’est le dialogue entre deux couleurs. Ce sont des jeux de contraste qui me font avancer. L’association d’une couleur chaude avec une couleur froide, de la matière lisse ou rugueuse, du brillant et du mat, des formes… Je travaille beaucoup en oppositions. L’idée c’est de créer un discours interne.

Il y a toujours une idée de présence dans mes œuvres. J’essaye de révéler cette « hidden presence » dans la peinture. Un dialogue se créé entre la peinture et moi, et j’utilise des titres qui représentent cela, comme dans « secret birth », une toile que j’ai abordée dans cette approche plastique. Dès le début, je travaillais des masques pour matérialiser des choses, des personnes, des émotions. En ce sens, mon travail de l’abstraction, c’est l’héritage des masques en quelque sorte. Je m’inspire beaucoup des arts premiers, que ce soit dans la forme ou dans l’intention, il s’y dégage une certaine spiritualité.

star dust Francis Noel LieÇge 2017

J’ai l’impression que tu travailles les couleurs de manière thématique.

Oui, c’est l’idée. J’essaye de travailler une gamme par toile. Je suis dans une période de recherche sur les couleurs, aussi je commence à me tourner vers la pigmentation, pour réaliser mes propres couleurs. Ça offre encore plus de possibilités, et c’est une bonne façon de s’approprier son travail. En général, le noir arrive à la fin, pour venir couper les couches de couleurs, contraster et nuancer le tout.

Pour l’Urban Art Fair, j’ai réalisé une série de 6 toiles à partir de deux bleus qui évoquaient l’eau. J’ai commencé à étaler massivement ces deux couleurs, et c’est comme si des planètes étaient nées à partir de l’eau, comme toute vie finalement. L’aspect cosmique de cette série m’a fait penser à la récente découverte de sept planètes potentiellement habitables par la NASA. J’ai donc appelé cette série « Trappist-1- », en l’honneur de l’étoile autour de laquelle ces planètes gravitent, pour évoquer cette dimension spatiale.

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Quelle est la place du travail de rue dans tes réalisations ?

Ce qui m’intéresse dans le travail mural c’est l’échelle et la contextualisation. Je ne viens jamais devant un mur avec une idée précise de ce que je vais réaliser parce que c’est trop dans l’exécution. Je préfère laisser libre cours à l’inspiration en rapport au contexte, à l’environnement.
Le MUR du 12e [voir la vidéo ci-dessous] est situé à deux pas de la Coulée Verte, et avec la lumière sur cette végétation, ça a fait naître d’autres couleurs que je n’avais pas envisagées de prime abord. Ce qui est top dans ce genre de réalisation, c’est le contact avec les riverains. Certes il y a des critiques, mais elles sont minoritaires et soulèvent quand même des questions intéressantes, ça reste une belle interaction. On se rend compte que ce n’est pas anodin de faire une fresque, que ça ne laisse personne indifférent. Ce qu’il y a de bien dans l’art urbain, c’est le contact avec le public.

J’aime alterner la réalisation de murs et le travail d’atelier ; les deux m’apportent énormément et se répondent, comme pour le collectif et l’individuel. En tant qu’artiste, on n’est jamais sûr de soi, et c’est une bonne chose, ça permet de garder les pieds sur terre. Depuis que j’ai renoncé à créer à partir d’une idée précise,  et que j’assume de défendre un travail de recherche, c’est hyper enrichissant. Je ne veux surtout pas imposer quelque chose à quelqu’un. Ce que j’aime dans la peinture abstraite, c’est que chacun peut interpréter ce qu’il veut et c’est génial, j’apprends beaucoup grâce à ces discussions. Ma forme d’abstraction, est une ré-interprétation du réel.

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Anna Maréchal

[Crédits photos : © Jérémy Marais – association Cicéro / “Between the lines” © DR – Théo Lopez / “Silver lining” © DR – Théo Lopez / “Star Dust” © DR – Théo Lopez / “Trappist 1-E” © DR – Théo Lopez]

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