Ema – graffiti
Petite, menue, et féminine. Simple, humble, et timide. Florence Blanchard ne cadre pas avec l’image qu’il est possible de se faire des artistes du milieu Hip Hop au sein duquel, pourtant, elle grandit et se construit. Elle n’a que treize ans lorsque, pour la première fois, elle s’empare d’une bombe pour tagguer les murs isolés d’une zone désertée de sa ville natale du Sud de la France, Montpellier. L’ennui, le vide culturel de sa ville, l’effet de bande, prétexte modestement une des pionnières du graffiti français au féminin.
La pré-adolescente un peu marginale qui se cherchait vainement dans les univers et les références autour d’elle ne pouvait pourtant que se trouver dans le mouvement culturel, par essence, des outsiders. Elle le fait sous le pseudonyme d’Ema. Le coup de foudre est esthétique mais la démarche, d’emblée, est identitaire. « A un âge où l’on n’est ni adulte ni enfant, le graffiti donnait une existence secrète. J’ai passé mon adolescence à peindre dehors, la nuit. C’est comme un jeu et personne n’en connait les règles, à part nous », explique-t-elle par bribes de mots, parfois de phrases, du bout des lèvres. Comme toujours, lorsqu’il s’agit de parler d’elle et même de ses œuvres, Florence Blanchard baisse le ton et le son de sa voix, ne va pas au bout de ses phrases. Idem dès lors que le clic d’un appareil photo se déclenche. Puis elle baisse les yeux.
Florence semble se méfier de ses mots et de son image, mais acquiert au fil des années d’entraînement et d’expérience assez de confiance en son art pour graffer une dizaine de mètres carrés de surface murale au feeling, sans brouillon. Elle semble chercher à occuper le minimum d’espace sonore et physique, mais n’hésite pas à étaler haut en couleurs son identité artistique éclatée sur un nombre incalculable de kilomètres de trains et de murs en France, en Espagne, en Angleterre, ou encore aux Etats-Unis. Florence ne parait décidément pas dans la vie comme Ema est à travers son art : explosive, dispersée, mature et confiante.
Eternelle dualité, emblématique de sa vie.
Son identité se construit dans un entre-deux constant et déconcertant: entre les Etats-Unis et la France, entre la science et l’art, entre les murs industriels et ceux plus branchés des expositions. Elle démultiplie cette dualité en élargissant des influences désormais aussi éclectiques que la playlist en fond sonore : The Drums, Cate Le Bon, The Knife, etc. « Le graff, c’était comme une drogue : difficile d’en sortir, mais j’en avais besoin. Je m’en inspire toujours. J’utilise toujours la bombe et les murs. Mais en 2005, c’était fini […] Je me définis plus comme une peintre aujourd’hui. » D’ailleurs, pas de bombes ni de rouleaux sur son bureau de travail. Que des pinceaux.
Où peut-on voir son travail ?
Chez Voskel : exposition « Wild cats &Teddy boys »
Du mardi 5 avril au samedi 21 mai, elle présente avec Kashink une galerie de scènes et de portraits inspirés par la grande époque rock des années 50, plus précisément le rockabilly: coiffure « banane », bad boys au blouson de cuir noir, pinups au visage raffiné, etc. Leurs univers se croisent pour n’en former qu’un, décalé, à mi-chemin entre la figuration narrative, le folklore mexicain, et le graffiti.
Lydie Mushamalirwa
Voskel
5, rue Jean-Pierre Timbaud
www.voskel.com/node/311
Photos de l’avant-exposition par Gaëlle Lepetit
Dans la rue :
florenceblanchard.wordpress.com
© Silvio Magaglio
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