CLET : « J’humanise le panneau »
Exposition Jeux Interdits – solo show de CLET Du 22 mai au 10 juillet 2015 Vernissage le jeudi 21 mai 2015 Entrée libre Galerie Artistik Rezo |
Breton d’origine, Clet s’est installé en Italie il y a maintenant vingt ans. D’abord à Rome, puis à Florence, c’est là-bas qu’il développe, depuis quelques années, la forme de Street art pour laquelle il est connu aujourd’hui. Artistik Rezo l’a rencontré pour vous.
Pourquoi avoir choisi de détourner des panneaux de signalisation ?
Cela fait quatre ans. D’abord par nécessité de visibilité. J’avais 42 ans, j’avais acquis les armes du métier, mais je n’avais pas de public, n’étant pas en galerie. J’ai fait les Beaux-Arts à Rennes, avant de m’installer en Italie, d’abord à Rome, puis à Florence. La moindre des choses me semblait d’avoir au moins une fois la possibilité d’être jugé par le public ! Que ça passe ou non, il fallait que j’essaye. C’est aussi un jeu… Bien sûr, l’humour est un moyen de communication exceptionnel. Il ne s’agit pas de détruire. Je reconnais la fonction du panneau. Éventuellement je la discute. Mais je ne vais pas prendre la responsabilité de le détruire. Les règles ont un sens, l’important est de pouvoir les remettre en question. Ce qui me choque, c’est l’imposition de la règle, plus que la règle elle-même. Vous vivez à Florence, une ville très muséale… Vous aviez envie de détonner ? Je pense que ce n’est pas un hasard en tout cas. Florence est très fermée sur elle-même. La seule intromission, c’est le panneau vierge. Tu vois une ville médiévale, un petit bijou qui fait semblant d’être comme il y a cinq ans, et tout d’un coup le panneau de la route… Ça a été le détonateur pour moi : il y a une erreur, il faut intervenir. J’essaye de les considérer en tant que design, en tant que dessin et contenu à affronter. En Italie, il y a plus de panneaux. C’est aussi le symbole de la bureaucratie. Je pense qu’on pourrait en mettre beaucoup moins, ça complique les choses. Ça devient une pollution. La façon dont la rue est gérée raconte les conditions culturelles d’un pays. À Paris, c’est plus chaotique et un peu moins varié… À Florence, vous avez aussi installé une sculpture au bord de l’Arno, un « homme qui marche » avec une jambe dans le vide… C’était une provocation à Florence, une ville qui ne supporte pas d’évoluer. Vivre, ça veut dire faire un pas dans le vide. Et Florence ne veut pas le faire. Je l’ai mis une nuit, il a été séquestré au bout d’une semaine. On m’a fait payer une amende, je l’ai remis. Depuis, il est là, protégé par la population qui l’adore… De manière totalement intuitive, parce qu’un endroit me plaît. J’ai la sensation de propager une forme de poésie, c’est un acte d’amour. Si un endroit me semble beau, j’ai envie d’y laisser quelque chose. Il peut y avoir le contexte politique. Après, quand on fait la photo, une histoire naît. Il y a des moments qui sont magiques. Pour moi, c’est un peu comme aller chercher des champignons. On part, on ne sait pas trop ce qu’on cherche. On trouve un champignon qui semble magnifique et se révèle mauvais une fois à la maison, alors que le tout petit est délicieux… Je vais parfois dans des quartiers qui semblent peu intéressants et qui donnent finalement lieu à des situations, des images fortes. Il y a une dimension narrative très forte… Bien sûr… J’admire beaucoup Brueghel. J’ai compris en regardant son travail à quel point le sens de l’art, c’est la communication. Il était capable de transmettre des concepts très profonds à des personnes qui ne savaient pas lire. Il racontait des histoires pleines de sens avec un talent immense. Pour moi, le sens de l’art, c’est ça. Le support que vous avez choisi vous oblige à une forme de minimalisme… C’est une recherche intellectuelle intéressante. Comment parvenir à expliquer un concept compliqué avec des images simples ? Il faut savoir communiquer avec un grand public. C’est lui qui m’intéresse, pas les spécialistes de l’art. Donc l’important est d’être synthétique, simple, d’avoir les idées claires. Par exemple, j’utilise beaucoup l’image de deux bras qui se rejoignent. Être civil, ce n’est pas être obéissant, c’est être solidaire. La règle peut être erronée, on ne peut pas réclamer l’obéissance sans réflexion. Être civil, c’est la prise en considération de l’autre, ce n’est pas le respect des lois. L’une de vos images fétiches, c’est celle de la croix à partir d’un sens interdit… Le Christ sur la croix est une critique de la religion, mais aussi une reconnaissance de la parole du Christ. Je lui donne voix en propageant son image à travers les rues. La foi, c’est le monde de l’imaginaire absolu. Ce que je reproche à la religion, c’est de vouloir régler un espace qui devrait être le plus vaste possible. Dieu devrait être une recherche infinie. Vouloir lui donner un nom, c’est une limite à cette recherche. Vos projets ? Sortir d’Europe ! Je pense que c’est le moment. Je pense à New York en septembre, au Brésil et peut-être au Japon… |
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