RIME : “Mon travail est une illustration de mes expériences”
RIME | Danger Zone Du 3 avril au 6 juin 2015 Du lundi au samedi de 14h à 19h Entrée libre Galerie Wallworks M° Bonne Nouvelle |
Après une résidence de 2 mois à la galerie Wallworks, RIME y expose une vingtaine de toiles – dont une en collaboration avec HAZE, figure majeure du design graphique et de la scène hip-hop américaine, avec qui RIME partage son atelier à New York – ainsi qu’une série de petits formats sur bois et quelques encres sur papier. Selon l’artiste, sa ligne d’inspiration est tournée tout entière vers les attraits qu’offre la capitale, de ses plaisirs à ses ivresses, en passant par ses interdits. Danger Zone ! Entretien.
Quel lien faites-vous, dans votre manière de travailler, entre le graffiti dans la rue et les œuvres sur toile ? Depuis que j’ai commencé le graffiti en 1991, les fresques que j’ai réalisées sur les murs ou les trains étaient illégales, mais surtout produites sans idée préconçue ni dessin préparatoire. Je peignais de façon spontanée, chaque graffiti était une improvisation avec pour seules contraintes la dimension du mur ou le délai que je m’autorisais pour déguerpir rapidement si cela s’imposait. Aujourd’hui, j’essaie de transposer ce principe dans les tableaux que je peins pour les galeries.
Lorsque l’on regarde vos toiles les unes à côté des autres, on a l’impression qu’elles développent une même histoire, un peu comme les cases d’une bande dessinée. Il y a un lien entre chaque et l’histoire se poursuit de tableau en tableau. Oui, pour moi, c’est comme écrire un livre ou une histoire courte. Dans l’atelier, j’accroche plusieurs toiles pour travailler sur toutes en même temps. Ici, dans la galerie Wallworks qui est mon atelier parisien à l’occasion de cette exposition que je prépare, j’interviens sur 7 ou 8 toiles en même temps ; alors, je me balade de toile en toile. C’est pour cela qu’on retrouve certaines couleurs communes, tel un fil conducteur. Vous renforcez le lien entre les toiles mais vous jouez également beaucoup sur les textures des peintures. Oui, c’est important. Ce blanc par exemple – qui couvre bien la surface – donne du relief car il est brillant, sinon ce serait plat.
En effet, je crée une perspective en deux dimensions et la profondeur apparaît par le jeu des couleurs et les lignes. Je représente un premier objet avec une couleur forte et lumineuse, et lorsque je veux en placer un autre à l’arrière-plan, je vais alors utiliser une couleur plus éteinte. Si deux images sont l’une à côté de l’autre et qu’elles ont le même ton, alors je donne à l’une d’elles des couleurs plus éteintes pour qu’elle soit projetée en arrière. Si je fais une erreur de trait ou de couleur, je ne vais pas essayer de la gommer mais m’en servir pour créer quelque chose de nouveau. Il n’y a pas de repentir et je réagis en fonction des circonstances. Est-ce que le dessin est vraiment important pour vous ? Oui, il intervient véritablement dans la deuxième étape de mon travail, après ce moment où je privilégie la frénésie du geste. Je développe l’aspect technique, concentré et calculé pour compléter l’œuvre. Ainsi, il y a deux genres d’énergie dans votre travail. Il est important d’avoir les deux comme on retrouve ces deux aspects chez toute personne. On passe de l’euphorie et l’excitation à des moments où on a besoin d’être plus sérieux, posé pour accomplir une tâche. Avec le dessin, les détails prennent place au fur et à mesure que la composition se met en place. Je fais aussi attention aux motifs et aux couleurs que je ne veux pas recouvrir, je vais créer de la transparence, et cela me permet aussi de créer de la profondeur par différents niveaux qui se succèdent. Il y a des couleurs que vous n’utilisez jamais ? Non, je suis ouvert à toutes les couleurs, au noir et au blanc également, même si certains ne considèrent pas ces dernières comme des couleurs. Le noir et le blanc ont d’ailleurs des rôles fondamentaux dans mon travail, car ils transmettent la force et le contraste. Si on supprime une couleur d’un tableau, la composition fonctionne toujours, mais si j’enlève le noir, tout s’effondre. Cela devient comme un arc-en-ciel en suspens. Le noir est là pour structurer et créer des liens entre les couleurs. C’est la colonne vertébrale même du tableau ! Oui, pour moi le noir donne véritablement les limites, la structure, la base, tout comme le blanc. Les autres couleurs sont très fortes, très vives. Oui, j’essaie de travailler avec des couleurs pures, qui ne seront pas mélangées à du blanc ou du noir
Oui, mais pas uniquement. J’associe des peintures industrielles utilisées pour la maison avec des peintures sophistiquées des illustrateurs de bandes dessinées ou celle pour les films d’animation qui est une peinture très fluide. J’entremêle aussi celles de très bonne qualité avec d’autres plus bon marché, certaines transparentes, d’autres opaques… Je pense que chaque type de peinture apporte quelque chose, ces différences de texture sont d’autant plus importantes dans une peinture abstraite. Vous disposez d’une grande variété d’outils, aussi bien pour les peintures que pour les pinceaux, et parfois des choses qui n’ont rien à voir avec l’art. Tout est cependant très organisé et rangé dans cette multitude très surprenante. Je m’amuse avant tout dans l’expérimentation avec les différents types de pinceaux, de brosses, mais aussi d’outils qui ne sont pas vraiment appropriés ou associés à la peinture ou à l’art, avec par exemple ce gant destiné à nettoyer les voitures. Lorsque je l’utilise, je reprends le même mouvement rotatoire que celui des personnes qui nettoient leur voiture. Un autre est destiné à mettre de la cire sur l’automobile ! Je ne me mets aucune limite dans le détournement des objets. Tout est possible ! Être artiste est pour vous un mode de vie également ? Oui, mon travail est une illustration de mes expériences, de ma vie. Si on écrivait l’histoire de ma vie, mes peintures seraient les illustrations parfaites. J’essaie d’intégrer des choses amusantes qui me sont arrivées dans la vie. Ma source d’inspiration vient de ce que je vis dans la rue, de ma rencontre avec des passants, mais voyager est également devenu nécessaire, une composante importante de la création artistique, mais aussi du point de vue humain. J’essaie de transposer tout cela dans mes toiles. Vous jouez également beaucoup sur les formats, d’imposants tableaux aux délicats petits dessins. C’est agréable de jouer sur les tailles et sur la variété, de passer de petits formats à des tableaux plus monumentaux. Je n’aime pas faire toujours la même chose, la monotonie. Lorsque je dessine, je peux être attablé posément, concentré et penché sur mon dessin que je construis avec minutie. Par contre, pour les formats plus grands, il y a plus de recul. C’est également plus physique, je dois utiliser tout mon corps pour peindre. Vous êtes plus dans le contrôle lorsque vous dessinez ? J’aimerais croire que je suis toujours dans le contrôle. Propos recueillis par Stéphanie Pioda [Photo RIME © Alain Smilo / Toutes les photos des œuvres © Alain Smilo] |
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