Joris Henne & Natasha Lacroix : « Laisser place à l’imagination »
Joris Henne & Natasha Lacroix ont remporté le Prix Icart Artistik Rezo 2017 grâce à leur projet A Journey to the Dead Sea, une expédition plastique visant à immerger leur créature chimérique dans la Mer Morte, après tout un périple. En attendant de les retrouver à Éléphant Paname, nous les avons les avons rencontrés pour en savoir plus.
Comment allez-vous depuis la soirée de remise du Prix du Jury ?
Le soutien du Prix Icart Artistik Rezo nous rend plus forts, nous donne envie de développer des projets. On a reçu des compliments de la part de tout le monde : du public, des étudiants, du jury. C’est une véritable adhésion. Cela nous a stimulés pour préparer le solo show, une des récompenses remises à cette occasion. En effet, nous avons activement travaillé pour présenter une autre installation à Éléphant Paname du 23 au 26 novembre 2017.
Qui êtes-vous?
On s’est rencontré aux Beaux-Arts de Paris. On a toujours été dans le même atelier, mais on n’a jamais travaillé ensemble. On se parlait de nos travaux et on échangeait des conseils et puis ça s’est enchaîné. Nous travaillons désormais en binôme.
Beauty n’est pas un mélange de nos précédentes œuvres mutuelles. Conçue et produite à deux, elle résulte d’une véritable émulation. Ensemble, on peut davantage se démarquer, prendre plus de risques.
Qui est Beauty ? Pourquoi ce nom ?
Cette forme d’ossements vient en partie d’un squelette présenté au Museum d’histoire naturelle, à Paris, mais c’est aussi une créature chimérique. Elle pourrait être une divinité ou une force de la nature. Nous sommes dans une forme de mythologie qui laisse place à l’imagination.
Ce nom vient du fait qu’elle est monstrueuse. C’est donc un peu ironique. En effet, elle est gigantesque et pourrait faire peur. Pourtant, elle est belle. On a aussi voulu lui donner un nom pour la personnifier, lui donner vie, car elle nous accompagnera tout au long de ce voyage.
Quand et comment est née Beauty ?
On réalise que ça fait (déjà) deux ans que l’on a commencé ce projet. En fait, Beauty concrétise notre association. Il a alors fallu presque une année de réflexion, d’articulation. Ensuite, on n’a pas voulu se contenter de prendre un objet pour en faire une œuvre d’art. Nous voulions raconter une histoire, et nous inclure dans cette histoire, faire partie de ce voyage, de cette expérience.
La dimension monumentale était primordiale, elle fait partie du projet. Il y a d’abord eu des dessins et une maquette, puis un mois et demi de fabrication. Le tout en essayant de reproduire des formes naturelles, cohérentes, ce qui relève de l’anatomie. L’ensemble est composé d’une charpente en bois et de nombreux détails, rendus nécessaires par les histoires que l’on raconte.
Qui a fait naître Beauty ?
C’est nous, par notre travail, mais Beauty vit aussi à travers le regard des autres. Le fait de la considérer comme vivante aide d’ailleurs le public à la voir autrement. Au-delà de l’œuvre, on peut l’imaginer comme une créature ou une personne à part entière.
Comment définissez-vous ce projet atypique ? Aura-t-il une seconde partie ?
On le considère comme une expédition plastique. De plus, il y a quelque chose de vivant entre nous et l’œuvre, une interaction toute particulière. Quand Beauty sera revenue de son voyage, ce sera fini avec elle, mais nul doute qu’elle nous mènera vers d’autres projets. C’est d’ailleurs un concept que l’on aurait envie de prolonger.
Concrètement, en quoi consiste cette expédition plastique ? Vouliez-vous mettre l’accent sur le périple lui-même ?
Le voyage est important, il implique forcément des contraintes et comporte une part d’inconnu. C’est également un scénario à part entière. Même le fait de préparer le voyage fait partie du processus artistique.
Que Beauty va-t-elle subir ?
Elle peut se casser, elle peut se briser. Mais ça fait partie du jeu : il adviendra ce qu’il adviendra. Ce sera forcément intéressant. Ce dont on est sûr, c’est qu’il y a aura des dépôts de matière naturelle, lesquels se développeront sur la sculpture, créeront de nouvelles formes. Les concrétions de sel, les minéraux, le vent et le soleil se chargeront de la transformer. Nous ramènerons ensuite Beauty à son point de départ et elle sera visible dans le cadre de l’installation A Journey To The Dead Sea.
Vous laisserez agir la nature, lors de cette immersion. Mais quelle place a-t-elle plus exactement, la nature ?
On laissera Beauty à la nature pendant un mois. Elle va travailler avec nous, en symbiose. On met en parallèle les processus de création artistique et naturelle. On se dit que la sculpture va être enrichie de ce contact avec les forces de la nature. L’art a bien commencé par l’imitation de la nature. Pourquoi ne pas réitérer cet hommage ?
Votre projet serait-il écologique ?
Il y a de ça. L’acide acrylique ne pollue pas, c’est totalement neutre. En tous cas, nous travaillons en harmonie avec les éléments. On veut se confronter à la nature dans un échange intelligent. Et cela nous motive beaucoup.
Comment vous situez-vous par rapport à l’art contemporain ?
Nous nous considérons comme des plasticiens. Pour nous, il est important de donner à voir, mais aussi de raconter des histoires qui ont du sens.
Que proposez-vous également dans ce solo show à Éléphant Paname ?
A Journey to the Dead Sea devient le prélude imaginaire d’un futur voyage extraordinaire. Notre nouveau projet artistique, Expédition plastique II : Recherche, est une mise en scène du rêve de deux aventuriers à travers les mers et océans. Nous avons cherché à métamorphoser le lieu en nous interrogeant sur les forces créatrices. Nous espérons que la mise en scène de cette quête onirique suscitera beaucoup de réactions du public.
Propos recueillis par Eléanore Boutrois
À découvrir sur Artistik Rezo :
– Solo-Show des lauréats du Prix Icart Artistik Rezo 2017 à Éléphant Paname
– Prix Icart Artistik Rezo 2017 – Les Lauréats
Site des artistes ici
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