Andrea Ravo Mattoni : « Je veux créer un pont entre passé et présent »
Rencontre avec le street-artist italien Andrea Ravo Mattoni.
1/ Tu as grandi au sein d’une famille d’artistes : ton père, ton grand-père et ton oncle étaient eux-mêmes artistes. Comment cela a-t-il influencé ton parcours ?
Leur présence et leur activité ont influencé et nourri ma passion pour l’art. Mon grand-père avec son talent et sa peinture à l’huile minutieuse m’a appris la patience. Mon oncle avec ses illustrations douces et légères m’a appris la poésie de l’image. Mon père Carlo, disparu en 2011, artiste d’art conceptuel et comportemental, m’a appris la méthode pour trouver du sens à ce que je réalise. Je suis un mélange de chacun d’entre eux, avec une grande connexion avec le passé, et un regard tourné vers l’avenir, tout en ayant la certitude et la conviction que la chose la plus importante est le présent, l’immédiat.
2/ Peux-tu nous raconter ta démarche artistique “dal classicismo al contemporaneo”?
C’est un projet qui veut créer un pont. Un projet qui veut être didactique mais en même temps émerveiller, car je suis convaincu que la grande peinture du passé doit être redécouverte et appréciée : nous avons tellement de beauté derrière nous que nous pouvons inonder le monde de poésie. Mon projet est ambitieux, mais je le considère surtout comme une mission. Je me sens comme un chef d’orchestre qui aime présenter Beethoven.
3/ Quand et comment as-tu débuté dans le street art?
J’ai commencé à utiliser le spray en 1995, j’étais fasciné par les trains peints qui passaient devant chez moi, je ne savais pas exactement ce qu’ils représentaient, mais j’ai tout de suite compris quelque chose : je voulais le faire de toutes mes forces. Alors j’ai commencé à faire des graffitis avec mon blaze RAVO. J’ai continué plusieurs années, et j’ai vu passer beaucoup de trains avec mon nom dessus. Au début des années 2000 je me suis inscrit à l’Académie des Beaux-Arts de Brera à Milan, et c’est là que je suis devenu passionné par la peinture. J’ai donc abandonné l’utilisation des bombes pendant quelques années, mais j’ai vite repris avec une conscience nouvelle, qui mêlait le monde de l’écriture et celui de la peinture classique. Et me voilà, un street-artist ou un peintre en aérosol.
4/ Peux-tu définir la différence entre ta pratique dans l’espace public et en atelier ? Comment caractériserais-tu ce que t’apporte chacune ?
Dans l’espace public je poursuis la tradition de copiste. Une pratique répandue dans l’histoire de l’art, qui a commencé dans les ateliers des peintres les plus célèbres. Je continue cette pratique, en peignant les grands classiques dans l’espace public, en les rendant accessibles à tous. J’essaye d’émerveiller les gens par la riche histoire de notre culture, pour que même les moins fortunés aient envie d’aller au musée. Un lieu qui appartient à tous.
Dans mon atelier je travaille plutôt avec des bombes aérosol sur toile ou sur papier, en recréant des détails de grandes œuvres du passé. Je travaille généralement sur deux niveaux : l’arrière-plan avec souvent des couleurs très vives, presque fluo, et le premier plan avec la reproduction du détail choisi. J’aime peindre plusieurs fois le même sujet et voir comment le moindre changement de trait conduit à la création d’œuvres uniques.
5/ Quel est le challenge que tu aimerais idéalement relever, ton rêve d’artiste ?
Le rêve est de créer autant de murs que possible, j’ai des peintures de Georges de La Tour et Guido Reni que j’aimerais encore réaliser.
Je n’ai pas l’ambition de faire des énormes murs. J’ai toujours préféré travailler la qualité. Je suis convaincu que ce n’est pas la taille du mur qui fait la qualité du travail. Mais j’ai quand même le rêve de pouvoir réaliser de toiles de très grand format et de les exposer dans des lieux adaptés à ce type d’art contemporain, en créant de véritables installations qui dialoguent entre passé et présent.
6/ A l’occasion des 50 ans de Mai 68, tu as été invité par l’Université Paris Nanterre à revisiter les œuvres du Louvre, sur les murs du campus. Quelle oeuvre as-tu choisi et pourquoi ?
J’ai choisi un tableau de Georges de La Tour présent dans la collection du Louvre, nommé “Le Tricheur à l’as de carreau”. C’est une image merveilleuse avec un jeu de regards saisissant. L’un des chefs-d’œuvre de la peinture française. Je ne prendrait qu’un détail.
7/ Autres projets futurs ?
Pour l’avenir, j’ai beaucoup de projets. Cette année je réalise des murs en Italie, en Angleterre et en France, où je reproduirai des peintures de maîtres. J’ai des contacts en Russie et peut-être à Miami. Je suis toujours heureux de voyager grâce à l’art et de faire redécouvrir les grands peintres du passé.
Propos recueillis par Michela Marino
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– Andrea Ravo Mattoni, savant mélange entre art classique et la rue
– De la rue au Louvre – Pour une éducation artistique avec le street art
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